Prologue

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La famille Leroy était complexe. Même en la connaissant bien, il était compliqué de s'en faire une réelle idée. Étaient-ils parfaits ? C'était ce qu'ils voulaient faire croire et ils y arrivaient d'ailleurs parfaitement bien. Du grand-père jusqu'aux petits enfants, tout semblait leur réussir. Ils étaient physiciens, musiciens, peintres, PDG et on les connaissait pour les fonctions élevées qu'ils occupaient. La famille était dotée d'une grande intelligence, souvent d'une grande beauté et constamment d'une immense fierté, que beaucoup considéraient comme étant de l'arrogance. Pourtant, parmi tous ces érudits, ces artistes de talents et ces leaders se tenait Romane Leroy, la plus invisible des membres de cette famille.

Parallèlement, c'était elle qui se rendait le mieux compte des défauts que les Leroy possédaient. Ceci, elle s'en était rendu compte dès son plus jeune âge, lorsqu'elle n'avait que 8 ans. Elle s'était alors déplacée avec sa mère et sa sœur chez sa tante Lydia. Les deux femmes l'avaient laissée seule dans la salle à manger, car elles avaient à ce moment-là : « Une chose importante à évaluer ».

Lydia, la tante, était une chanteuse de renom. Sa salle à manger ressemblait d'ailleurs à une salle d'Opéra, avec tous ces sièges rouges et ces enluminures sur les murs. Elle était très longue et possédait une table au moins aussi interminable que la pièce. Pendant longtemps, Romane aima y faire des aller-retour en courant, agitant la cape qu'elle s'était fabriquée avec une petite couverture. Les bras en avant, elle prétendait être Superman, mais ce jour-là, Lionel, son cousin le lui en empêcha.

— Je suis en train de travailler avec mes camarades, lui dit-il. Va ailleurs ou bien occupe-toi en silence !

Lionel avait dix-sept ans. Il était beau et vénéré des Leroy. Cependant, Romane ne l'aimait pas beaucoup. Il avait toujours été relativement dur avec elle, du plus loin qu'elle se souvienne. Ne voulant pas le mettre en colère, la petite fille dut alors s'asseoir sur une chaise autour de la table et se mit à dessiner. Elle avait toujours été très obéissante.

Une fois assise, il l'ignora. À l'autre bout de la table, les amis de son cousin, Yannis et Nadia, qu'elle n'avait encore jamais rencontrés, étaient plongés dans leurs manuels et ne faisaient pas attention à elle non plus. Le garçon était un brun bouclé à la peau très foncée. Nadia était un peu plus claire que lui, mais définitivement plus bronzée que Lionel et elle. Romane devina qu'ils étaient très certainement d'origine magrébine, comme son amie Nadjesse de l'école primaire.

De temps en temps, ces deux invités se regardaient dans les yeux et pouffaient de rire comme des idiots. En revanche, Lionel continuait incessamment de lire et ne se laissait pas distraire par les rires de ces deux adolescents, probablement en train de flirter.

— Nous pourrions faire notre exposé sur la malaria, dit à un moment Nadia. Il y a une nouvelle épidémie qui a éclaté au Ghana.

— Les maths sont le sujet imposé, répondit Yannis.

— Si l'on inclut les statistiques de la prévalence de la maladie en fonction des pays d'Afrique, ça compterait comme des maths.

Honnêtement, Romane ne comprenait pas grand-chose à ce qu'ils disaient à ce moment. Elle était trop jeune. Mais comme elle en avait assez de faire des dessins et qu'elle s'ennuyait énormément, elle écouta la conversation.

— Et pourquoi ne ferions-nous pas une analyse financière du côté des sociétés pharmaceutiques ? fit Lionel. Sachant que la malaria ne touche pratiquement que les régions pauvres, il serait intéressant à mon sens d'évaluer qui serait prêt à investir dans un vaccin ou des médicaments sachant que les bénéfices seront forcément mauvais.

Yannis secoua la tête.

— Ce sont des sujets bateaux, à la portée de tous. Si l'on veut réellement se démarquer, je soutiens qu'il faudrait faire quelque chose au-delà de notre niveau de lycéen.

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