Bienvenue au Sweetenstein - Tome 3 [Éditée]

Chapitre 2.2 : Samantha

Un coup d'œil vers l'horloge m'apprend que presque une heure s'est écoulée depuis le départ d'Annick. Un soubresaut contracte violemment mon muscle cardiaque, mais je me morigène : le Youtubeur a besoin de moi, un peu d'attente ne le tuera pas. Avant d'abandonner mon antre, je nettoie savamment mes mains et réajuste ma blouse. Dans le couloir, les autres laboratoires fourmillent d'activité, mais je ne m'y attarde pas et quitte le rez-de-chaussée pour gagner l'étage. Ici, des bureaux plus classiques nous accueillent ainsi qu'une vaste salle de réunion et une petite cuisine qui nous sert de coin repas. J'y jette un œil, mais Annick ne s'y trouve pas. Une tasse de café ne sera pas de trop alors je prends le temps de m'en faire couler un.

Pendant que la machine s'active dans un brouhaha tonitruant, mon reflet dans le miroir mural m'attire. Dois-je attacher mes cheveux pour faire plus sérieuse ? Oh et puis zut, autant rester celle que je suis. Tant pis s'il tique en découvrant ma tignasse bicolore. Noire sur la gauche, blonde platine sur la droite. De toute façon, s'il a mené des recherches à mon sujet, il a forcément eu un aperçu de qui je suis. Inutile de fournir des efforts pour refuser un projet, après tout.

Mon précieux breuvage à la main – noir sans sucre – je quitte la salle de pause pour rejoindre celle qui nous permet de nous réunir. J'y découvre Annick, occupée à s'extasier devant des photos que le vidéaste affiche sur l'écran blanc. Un regard rapide m'apprend qu'il a branché son ordinateur sur nos installations et que ma collègue lui a servi une collation digne d'un invité de prestige. Sans dire un mot, je chipe un biscuit et pose une fesse sur la table en les observant. Dos à moi, ils n'ont pas encore remarqué ma présence et je m'amuse à écouter mon amie vanter la beauté des paysages qu'il expose face à nous. Je dois, cependant, reconnaître que ce qu'il met en avant s'avère absolument sublime. Serait-ce l'Italie ?

Peu importe, le jeu a assez duré. Volontairement, je sirote une gorgée de café à force de bruits de bouche très désagréables. Sur le moment, aucun des deux ne capte cette irruption. Le Youtubeur, occupé à lister le matériel qu'il emporte sur chacune de ses ascensions, lance un regard rapide vers moi avant de recommencer plus brutalement. Ses yeux s'écarquillent de surprise tandis que meurent les mots sur ses lèvres. Des lèvres bien pleines qui cachent un sourire délicieux révélant une dentition d'une blancheur éclatante lorsqu'il comprend que je me trouve enfin si proche de lui. 

Ses paupières s'activent trois fois puis ses muscles se tendent sous l'effet de son contentement, m'offrant ainsi un accès direct au bleu pur de ses iris. Habillé d'un gilet sans manches de couleur ébène ouvert sur un tee-shirt immaculé et d'un jeans pâle valorisé par des boots noirs, il pourrait être mannequin à ses heures perdues. Annick a vu juste : ce mec possède une gueule d'ange et bien malgré moi, une attirance physique me saisit soudainement.

Pour ne pas permettre à ce trouble inopportun de gagner sur ma raison, je lance un regard froid à Annick qui sursaute violemment et se redresse sur ses pieds afin de me faire face. Elle balbutie des excuses idiotes en se tordant les mains entre elles. Son crâne pivote alternativement entre le Youtubeur et moi. Je décide d'abréger ses suppliques, mais je me promets de revenir sur son accueil – bien trop chaleureux à mon goût – plus tard.

— Tu n'as pas du travail, Annick ?

— Ah si, bien sûr. Eh bien... À bientôt.

— Je suis Ivar de la chaîne Trek'n'Love, l'ignore l'autoproclamé viking en s'approchant de moi la main tendue tandis que ma collègue s'éclipse avec un regret perceptible.

— Je sais qui tu es et je t'ai déjà dit que ton projet ne m'intéressait pas.

— Merci cependant de me recevoir.

— Tu ne m'as pas vraiment laissé le choix, répliqué-je avec acidité en restant indifférente à son geste de salut.

— Il est vrai. Je suppose que tu es Samantha.