Chapitre 1.2 : Sacha

131 33 62
                                    

De retour au palais, je me suis enfermé dans mon bureau. Luisa me tombera dessus bien assez tôt et il me faut un peu de temps pour me remettre de cette douleur aiguë qui ne me quitte pas depuis l'aéroport. Mon téléphone ne cesse de sonner, les prestataires pour la fête demandent des précisions de dernière minute et je ne parviens pas à tout annuler. Quelle décision adopter ? Papa sera de bon conseil !

Sans réfléchir plus que nécessaire, je délaisse mon antre et parcours le long couloir afin d'emprunter les escaliers me menant jusqu'au troisième étage. Les militaires sont habitués à me voir cavaler dans tous les sens alors ils réagissent à peine. Devant la porte des appartements de l'ancien régent du Sweetenstein, Arturo De Luca dont je tire mon prénom de naissance – Sacha étant le second – je m'arrête quelques secondes pour reprendre mon souffle puis je toque sur le montant de bois avant d'entrer. Comme toujours, mon père se trouve attablé sur sa terrasse, un monticule de cahiers et de crayons posés devant lui. Il n'a jamais voulu me dire ce qu'il écrivait depuis toutes ces années : quand il le souhaitera, il me confiera ce secret. Pendant ce temps, j'apprends la patience.

— Bien le bonjour, mon fils. Que me vaut le plaisir de cette deuxième visite aujourd'hui ?

— Clara a bien atterri.

— J'en suis ravi. Vos retrouvailles se sont-elles déroulées comme tu l'espérais ?

— Elle ne m'a pas ignoré.

— Tu sembles déçu.

— Je l'aime depuis longtemps, papa, mais elle se fiche de moi. Elle me l'a confirmé aujourd'hui.

— Quels mots a-t-elle prononcés exactement ?

— Clara a dit textuellement qu'elle ne ressentait ni amour ni haine. Elle a assuré que nous n'étions plus amis. Je crois que c'est suffisamment clair, lâché-je avec amertume en m'écroulant dans un fauteuil.

— Les émotions vont et viennent, mon fils. Ta mère me détestait au début, Charlie ne souhaitait pas écouter ses sentiments et Luisa oscillait entre passion et animosité. Et regarde quels beaux mariages tes frères et moi avons faits avec ces femmes de caractère !

— Maman n'appréciait pas que tu uses de ton statut. Charlie craignait de perdre son indépendance. Et Luisa se défendait pour ne pas souffrir. Elles ressentaient déjà quelque chose pour vous, papa. Clara, elle, assure qu'il n'y a rien. Rien du tout ! Et moi, j'ai couru toutes ces années après du vide.

— Donc, tu vas abandonner maintenant qu'elle se trouve précisément là où tu l'attendais ?

— Que faire d'autre ? Je ne vais pas la kidnapper pour l'obliger à m'aimer tout de même !

— Si tu rencontrais une jeune femme qui te plaît, une inconnue totale, qu'entreprendrais-tu pour essayer de la séduire ?

— Mais je n'en sais rien, moi !

— Quelles sont tes forces, mon fils ?

— L'humour, la générosité et le dévouement.

— N'importe quelle femme souhaiterait un tel compagnon.

— Pas Clara. Elle trouve justement que je suis trop... trop moi.

— Comment ça ?

— Elle dit que malgré son éloignement, je suis quand même là : gentil et souriant.

— Tu demeures une valeur sûre en fait, réfléchit mon père. Quoi qu'elle fasse, quoi qu'elle ait pu faire subir à tout le monde dans le passé, tu restes immuablement présent – et amoureux.

Bienvenue au Sweetenstein - Tome 3 [Éditée]Where stories live. Discover now