Chapitre 2.2 : Samantha

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— Où l'as-tu trouvé cette fois-ci ? soupiré-je en prenant l'objet maudit.

— Tu l'as branché hier dans la salle de pause pour le recharger...

— Il ne m'a pas manqué un seul instant, je dois même avouer que ne plus entendre sa sonnerie incessante a été un grand bonheur.

— Ce n'est pas toi qui as dû courir à l'autre bout de la station pour venir t'annoncer qu'un beau gosse insiste pour te voir.

— Ah oui, je l'avais oublié celui-là.

— Reçois-le, tu seras tranquille.

— Il sait déjà que cela ne m'intéresse pas ! Pourquoi perdre encore du temps avec ce forceur ?

— Dis-lui en face et fais-lui ton regard mauvais, ça marchera, j'en suis sûre.

— Mon quoi ?

— Ah non, pardon, c'est ton regard habituel en fait.

— Tu n'es qu'une peste !

— C'est de bonne guerre, Mercredi Addams.

— Bon, l'ignoré-je en retirant mes lunettes et mon chapeau. Si je résume bien, j'ai le choix entre appeler ma cheffe et risquer qu'elle m'enguirlande au sujet de ma thèse ou rencontrer un fanboy que je vais prendre plaisir à éconduire.

— Le suspense est insoutenable, vraiment, Samantha, tu sais tenir en haleine ton public.

— Comme si tu n'avais pas deviné ce que j'allais décider.

— Indice numéro 1 : tu évites Nina depuis trois semaines déjà. Indice numéro 2 : tu as balancé ton téléphone dans ton mug, heureusement vide.

— Quel dommage, il aurait été en panne... Comment aurais-je pu m'en sortir sans lui ?

— L'ironie te va à merveille.

— Merci, ça me flatte douloureusement.

— Indice numéro 3 : tu revêts ta blouse blanche.

— Donc ?

— Tu te prépares à recevoir le Youtubeur ! sautille Annick frappant silencieusement dans ses mains. As-tu besoin d'une assistante ?

— Pour l'envoyer chier ? Non, ça devrait aller.

— Zut !

— Par contre, tu pourrais me rendre un immense service en allant le chercher pour le conduire jusqu'à la salle de réunion.

— Wouh, tu sors le grand jeu !

— Accordons-lui une belle qualité : la persévérance. Je vais donc lui octroyer le temps de m'exposer son projet avant de lui réitérer mon refus.

— Quelle mansuétude, Madame Ackermann !

— Au lieu de dire des bêtises, va l'accueillir. J'arrive dans une vingtaine de minutes, mais surtout ne lui révèle pas.

— Tu vas le faire attendre ?

— Pourquoi ne le ferais-je pas ?

— Un tas de raison se bouscule sur mes lèvres, mais il me semble inutile de te les formuler.

— Bien vu.

Annick roule les yeux dans ses orbites, mais s'exécute sans rechigner me laissant seule dans ce laboratoire que je dois absolument ordonner. Avant de regagner la paillasse que j'ai commencé à déblayer hier, je saisis une poubelle et y transfère les plants qui n'ont pas survécu à mes essais. Dans l'évier, j'entrepose les ustensiles en verre que je dois nettoyer et poursuis ma besogne jusqu'à ce qu'un espace d'un blanc immaculé apparaisse. Les relevés et les carnets de notes ont rejoint un carton que j'archiverai plus tard : ceux-ci ne renferment rien de pertinent pour ma thèse.

Bienvenue au Sweetenstein - Tome 3 [Éditée]Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt