Chapitre 2.1 : Samantha

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Mes relations sociales gravitent uniquement autour de ma sphère professionnelle. Sans mon travail, tout s'effondre. Et ce n'est pas avec mon anticonformisme que j'attire les amitiés. Entre mon look grunge, mes idéologies écologiques et la yourte que j'ai fait installer sur le minuscule terrain que j'ai acheté en plein centre de Zurich et qui m'endette jusqu'à mon décès, les gens me considèrent comme une illuminée. Impossible pour moi d'avoir une existence typique. Un foyer, un mari et des enfants ne reflètent pas mes aspirations rêvées. Non, moi je fantasme sur une vie de vagabondage me permettant d'observer des écosystèmes divers et variés. Je meurs d'envie de découvrir un biotope inconnu et de marcher sur une terre vierge de toute présence humaine.

C'est ce que l'université de Zurich m'offre : la station de recherche se révèle une parfaite combinaison entre expériences cliniques et études sur le terrain. Je ne compte plus le nombre de randonnées effectuées par mon groupe, les bivouacs de fortune et les laboratoires éphémères dressés sous une tente. Cette vie-là me convient tellement. Il me faut ce foutu sujet de thèse qui me permettra de produire l'inédit dont je rêve. Mais à courir après mon Graal, ne suis-je tout simplement pas en train de griller toutes mes chances ?

Un nouveau soupir vient répondre à mon interrogation. Le Père-Noël n'existe pas, Samantha. Les contes de fées non plus. Alors, cesse d'attendre qu'une fée apparaisse pour te montrer le chemin et choisis un des projets que tu as débuté. Cela fera l'affaire, même si ce n'est pas ton idéal. Rajustant mes lunettes de soleil et mon chapeau en simili cuir, je m'apprête à retourner au bercail quand une voix m'interpelle :

— Sam !

— Annick ? Pourquoi cours-tu comme ça ? Il y a une urgence ?

— Non ! Enfin, je ne sais pas, halète ma collègue en s'arrêtant à quelques mètres de moi avant de se courber pour poser ses mains sur ses cuisses.

— Il va falloir se remettre en forme si tu veux me suivre sur le terrain, ricané-je.

— Foutue opération du genou, j'ai hâte de reprendre le vélo.

— Étant donné la course que tu viens d'accomplir, il me semble que cela ne tardera plus.

— La meilleure nouvelle de l'année ! râle la cycliste frustrée.

— Et donc, quelle est la raison de ta cavalcade ?

— Il y a un mec qui s'est présenté à l'accueil pour toi.

— Nous ne sommes pas ouverts au public, pourtant ! m'étonné-je. Tu lui as dit de prendre rendez-vous via le secrétariat de l'université ?

— Il insiste, il prétend que cela fait plusieurs semaines qu'il essaie de te contacter. D'après lui, il t'a envoyé une dizaine de mails qui sont restés lettre morte.

— Oh...

— Il a un drôle de nom...

— Ivar ?

— C'est ça !

— J'ai répondu à ce type pourtant. C'est un vidéaste, son truc ne m'intéresse pas et il le sait.

— Il dit qu'il ne va pas bouger tant que tu ne l'auras pas reçu.

— Il peut attendre, je ne céderai pas à son chantage.

— Il est beau comme un dieu.

— Et alors, en quoi est-ce une donnée importante ?

— Sam, il insiste vraiment, grince Annick.

— J'ai du travail, je n'ai pas envie de perdre mon temps avec une vidéo de vulgarisation scientifique !

— Tu en as réalisé pour d'autres Youtubeurs pourtant !

Bienvenue au Sweetenstein - Tome 3 [Éditée]Where stories live. Discover now