L'entreprise me parut durer des heures car mes forces s'épuisaient trop vite et qu'il me fallait de plus en plus de temps à chaque pause pour récupérer. C'est au bord de l'évanouissement et de la nausée, que je parvins enfin à pratiquer une ouverture, dévoilant le visage paniqué et larmoyant de Livia.

Durant un instant, j'eu envie de la laisser pourrir là. Les traitres, dans mon esprits, ne valaient pas mieux que des assassins ou les hommes qui nous avaient enfermés ici. Mes pensées durent se refléter dans mon regard car ses yeux s'embuèrent.

— Je t'en supplie, ne me laisse pas, parvint-elle à annoner en tendant la main vers moi.

Je la fixai de longues secondes. Je voulais qu'elle y croie, je voulais qu'elle ait peur. Je voulais qu'elle souffre comme les miens avaient souffert, même si ma conscience ne m'aurait jamais permis de l'abandonner. Mais ça, elle n'était pas obligé de le savoir, pensai-je en finissant par saisir ses doigts entre les miens.

— Il va falloir que tu m'aides, je n'aurais pas la force de te sortir de là, seul, l'avertis-je en commençant à la tirer vers moi.

Cela fut plus simple que je ne l'aurais cru et elle fut dégagé en quelques minutes. Comme moi, elle était couverte de plaies et de poussières et faisait peine à voir.

— Une idée d'où se trouve la sortie ? lui demandai-je bien que nous n'eussions pas des tonnes de possibilités à notre disposition.

Elle m'indiqua le seul chemin praticable d'un signe de tête, me rassurant quant à nos chances de réussites.

— Tu... tu as croisé mon père ? me demanda-t-elle d'une toute petite voix, quelques minutes plus tard.

— Parce que c'est vraiment ton père ?! ne pus-je m'empêcher de lui rétorquer sans me retourner.

Elle ne répondit pas et nous continuâmes notre progression difficile en silence. Je mettais un pieds devant l'autre, la respiration heurtée et le regard de plus en plus grignoté de taches sombres. Aveuglé, je trébuchai une fois de trop et m'étalai sur une poutre à demi calcinée, n'ayant plus la force de me retenir. Livia fut à mes côtés presque instantanément mais je la repoussai d'une main sans force.

— River, tu ne peux pas continuer comme ça, laisse-moi t'aider.

— ça va aller.

— Non, ça ne va pas aller ! me répondit-elle d'un ton que je ne lui connaissais pas. J'ai besoin de toi pour sortir d'ici et je n'ai pas envie que tu me claques dans les bras !

Le regard qu'elle me lança, n'avait plus rien à voir avec la Livia rencontrée quelques jours auparavant. Envolée, la jeune fille timide et apeurée qui sursautait au moindre bruit. Elle montrait enfin son vrai visage et cette révélation me fit partir d'un rire amer malgré mon état.

— Je vois que la véritable Livia sort du bois, parvins-je à sortir entre deux nouvelles quintes de toux. C'est ton vrai prénom au moins. Pfff, c'est bien ce que je pensais, commentai-je quelques secondes plus tard devant son mutisme, en refusant une fois de plus la main qu'elle me tendait.

Je me remis debout tant bien que mal et recommençai à me trainer lamentablement buttant sur chaque obstacle se trouvant sur mon chemin. L'odeur du sang commença à supplanter celle de la poussière lorsque nous parvînmes au site d'extraction principal. C'était le site le plus proche de la sortie et malgré cela, personne n'avait réussi à fuir, constatai-je avec un haut le cœur en manquant trébucher sur un corps à demi démembré par la force de l'explosion. Il devait y avoir environ une cinquantaine de personnes présentes au moment du drame... je secouai la tête, cherchant à chasser les larmes et le désespoir tout en continuant à mettre un pied devant l'autre comme un automate.

Tout autour de nous, ce n'était que mort et destruction. Je jetai un coup d'œil à Livia, ou quelque soit son prénom, et je crus y déceler un soupçon d'horreur. A moins que ce ne soit mon imagination qui me jouait des tours, car lorsque ses yeux croisèrent les miens, je n'y lu qu'une froide détermination.

— Je suppose que tout cela ne te fait ni chaud ni froid ?

— C'était un accident. C'est horrible mais dans une mine, ce genre de chose arrive. Les gardes n'ont pas été épargnés non plus

— Parce que tu vois un uniforme ou un treillis, toi ?!

— Ce n'est pas parce que nous n'en voyons pas, qu'il n'y en a pas. Si tu ne m'avais pas trouvé...

Je m'arrêtai brusquement, le regard fixé droit devant moi et sur ce que signifiait l'amas de tôle tordu gisant à mes pieds.

— Ils avaient fermé les grilles, murmurai-je le regard baissé sur les deux battants tordus mais indubitablement verrouillés, soufflé par l'explosion. Ils nous ont laissé crever comme des chiens ! grondai-je en me retournant vers Livia, qui recula d'un pas devant mon regard meurtrier.

— River, je...

Un bruit de pas résonna soudain dans le silence crépusculaire, interrompant aussitôt la jeune femme, tandis que je me retournais. Devant nous, un homme hagard en treillis militaire nous fixait le regard flou. Un filet de sang partant de sa tempe balafrait sa joue blanchie de poussière. Malgré son état, il attrapa le fusil qui pendait dans son dos, dès qu'il eut jeté un coup d'œil à nos vêtements.

— Plus un geste, restez où vous êtes, parvint-il à articuler d'une voix incertaine en titubant de quelques pas.

Je me figeai, le fusil pointé sur ma poitrine et commençai à lever lentement les mains. Même s'il tenait à peine sur ses jambes, dans mon état, tenter de le désarmer serait du suicide. Je cherchai désespérément une idée pour nous sortir de ce mauvais pas quand la voix de Livia retentit forte et claire.

— Officier d'infiltration 4578, Liv Rhiannon. Au rapport soldat, dit-elle en me contournant pour aller à sa rencontre, finissant de me plonger dans le désespoir.

Insurrection- Elémental Tome 2حيث تعيش القصص. اكتشف الآن