sang/sève/jus

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Émotions réprimées, la faible lumière émise par la lune et la montagne sert de repère aux sens, du moins ceux qui restent ; les peaux qui se cherchent sous une chaleur créée d'elles-mêmes, s'irradiant de ses doigts jusqu'aux organes, le goût du miel au bord des lèvres aggravé à chaque adhérence, les pulsations qui s'accélèrent jusqu'aux tempes et la voix tremblante, chancelante, et les doigts qui s'entrelacent, ne se quittent plus, et les visages un peu trop proches, sanglés, cette proximité ne suffira pas, jamais, toutes les paroles énoncées et les preuves d'un amour certain ne suffiront jamais non plus, les souvenirs, le présent, les âmes qui s'attendaient depuis toujours et qui se retrouveront plus tard, ce soir d'hiver où j'ai compris la puissance de ce lien à travers le sang sur mes mains qu'il a décidé d'ignorer, souvenir devenu certitude, mais certitude qui parfois tend à faiblir tant ce jus enveloppe le cœur jusque la vue.

Dis moi que je ne serais plus jamais seule, dis moi que tu ne me laisseras jamais, dis moi que tu seras toujours là même si les autres s'en vont, dis moi que je pourrais à jamais te voir, te sentir, ton amour, ta chaleur, dis le moi une autre fois, dix fois, une éternité de fois, dis moi que je n'aurais plus besoin de garder ces traces avec moi, dis moi que je pourrais un jour les effacer de moi-même.

Faire disparaître toute la rage, toute la haine qui dominaient jusqu'ici et les remplacer par ce constant désir, cette avidité, culminante envie d'en avoir plus, d'en sentir plus, d'être une entièreté, indispensable entité, besoin réciproque, permanente attente, omission volontaire à travers ce bouillonnement, un vice à en ne plus finir et pourtant un vice accepté, même apprécié, je ne serais jamais assez bien, je ne serais jamais assez parfaite, je ne serais jamais ne serait-ce satisfaisante, l'ardeur de tous les gestes comme preuve de cette perdurable dévotion, ces lavures sur la peau prenant traces de sel et au goût de grenade, toutes ces sensations non plus ne suffiront pas.

Les deux mains jointes et courbées vers le ciel, ce reste de sève duquel je ne me séparerais pas, et que je ne pourrais continuer d'ignorer longtemps.

25 novembre 2023

jus de grenadeWhere stories live. Discover now