Chapitre 29 - Invitée indésirable

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Debout à côté de sa valise, Hermione tentait de ne pas avoir l'air trop insultée. Entre la mère de Draco qui l'appelait « ça », son père « ce genre de sorcier » et le tableau qui quittait la pièce à son arrivée, c'était un défi.

— Comme je l'ai dit, ce n'est pas de mon fait, répondit Draco à Lucius.

Il avait une mimique qu'elle l'avait déjà vu faire quand Crabbe et Goyle disaient quelque chose de particulièrement stupide. L'expression déjà froide de Lucius se fit glaciale.

— Cette attitude Draco, c'est la dernière fois. Sors d'ici.

Hermione encaissa toute l'indignation de Draco et fit de son mieux pour garder son propre calme.

« Et la laisser avec toi ? »

« Draco, on ne peut pas se permettre qu'il me renvoie. Comment fera-t-on si on doit se séparer ? »

Avec un sourire crispé, Draco plia et Hermione sentit son cœur rater un battement quand Lucius referma derrière lui. Heureusement elle sentait la présence de Draco sur le palier. Il ne s'éloigna pas.

« Draco ? »

Il répondit au moment où Lucius s'avança vers elle et sa réponse se perdit dans les mots de son père.

— Alors comme ça vous deviez travailler sur un projet ?

Sa haute stature la dominait. Il restait un adulte, un homme. Il fallait qu'elle mente, elle détestait ça et ils ne s'étaient mis d'accord sur aucune histoire.

— On...

« On doit concevoir un antidote à une potion très complexe et on est loin d'avoir un résultat. »

Elle se redressa :

— On doit concevoir un antidote à une potion très complexe. On a fait des recherches, mais c'est loin d'être suffisant.

— Ce qui justifie de vous retrouver hors du château au milieu des vacances ?

Non, cela ne le justifiait en rien. Peut-être pouvait-elle dire qu'elle devait d'abord passer chez ses parents ?

— J'étais...

« Non ! Par Merlin Granger, si tu lui parles de tes parents et qu'il a des soupçons sur l'endroit où je me trouvais ? »

— ... à Poudlard. Je fouillais la réserve.

— Avec mon fils ?

« Surtout pas, il peut vérifier trop facilement que je n'y étais pas. »

— Lui il était quelque part à Pré-au-Lard ou au Chemin de Traverse. On avait besoin de la plus large quantité d'informations possible.

« Parfait. »

— Et c'est donc pour ça que vous avez décidé de venir ici ?

Un éclat inquiétant anima son regard. Clairement, il ne croyait pas en ses mensonges. Très bien, il voulait de la vérité ?

« Comment ça ? Granger, tu n'as pas intérêt à... »

— Vous vous rendez compte que c'est de votre faute si on est coincé ici ? Ce sont vos précieux petits principes qui nous ont obligés à quitter le château parce qu'il refuse d'être vu avec moi ! Faites ce que vous voulez, je ne partirai pas tant qu'on n'aura pas terminé nos recherches. Je refuse de mettre mes études en péril pour vos idéaux moyenâgeux.

Maintenant que les mots avaient commencé à sortir, elle aurait pu continuer longtemps à déverser sa frustration, mais Lucius l'interrompit, simplement en posant une main sur son épaule.

Son expression était vide. Un vide sinistre qui lui rappela qu'il n'était pas simplement rétrograde, qu'il avait appartenu aux Mangemorts.

« Granger ? Qu'est-ce qui se passe ? »

Lucius la relâcha enfin. Son rictus quand il quitta la chambre lui donna froid. Plusieurs secondes passèrent sans qu'elle ne bouge. Enfin, une distorsion agita l'air autour de la porte. Puis, comme si on avait jeté un seau d'eau sur la peinture invisible qui le couvrait, Draco réapparut, sa baguette à la main.

— Qu'est-ce qu'il a fait ?

Hermione se secoua et ouvrit sa valise.

— Rien. Puisqu'il ne m'a pas jetée dehors, mettons-nous au travail.

Le manoir possédait une grande bibliothèque au centre de laquelle une table de travail ornée de deux lampes créait un rond lumineux. Draco y posa quelques-uns de ses livres ; avant de se lancer dans la préparation des potions, ils voulaient vérifier que cette bibliothèque ne contenait pas d'informations qui manqueraient aux ouvrages de Poudlard.

À la nuit tombée, le mélange de stress et de concentration intense lui avait ôté toutes forces. Avec réticence, elle suivit Draco jusqu'à la salle à manger, une longue pièce où trônait une table tout aussi longue surmontée de deux lustres de bougie et de cristal. Les parents de Draco n'étaient pas encore là. Hermione prit place au bout de la table dont leur vaisselle n'occupait qu'une portion ridicule. Dans les assiettes, les asperges étaient montées en une tour entourée d'un arc de sauce et d'une demi-tomate cerise. Draco s'assit en face et posa le menton sur ses mains croisées. Ils attendirent ainsi en silence pendant de longues minutes et quand elle voulut parler, il fit « non » de la tête.

Alors elle retira son bracelet et le glissa dans la poche de son jean.

« Mes parents ne vont pas tarder, c'est l'heure. » dit aussitôt Draco.

Et pile à cet instant, des pas résonnèrent derrière elle. Ils s'installèrent à leur tour et Hermione aurait aussi bien pu ne pas être là. Sauf que sans elle, Lucius n'aurait sûrement pas eu l'air d'avoir le visage moulé dans une dalle de ciment et Narcissa n'aurait pas gouté son asperge comme si elle était assaisonnée à la Veracrasse.

Draco s'étouffa sur sa fourchette et tous les trois se tournèrent vers lui. Il leva son poing devant sa bouche et toussota.

« Assaisonnée à la Veracrasse ? » répéta-t-il. « Beurk, Granger. »

Elle se mordit la lèvre pour ne pas sourire. Quand les assiettes furent vidées, elles disparurent sans qu'ils n'aient rien à faire et la suite du repas se matérialisa.

« Ne me dites pas que vous avez encore des elfes de maison ? » s'indigna aussitôt Hermione.

« Plus depuis que ton petit pote Potter a libéré Dobby, non. Bien sûr nous avons du personnel, mais c'est plus contraignant qu'un elfe ; ils ne sont présents que sur certains horaires, ils réclament des congés, ils tombent malades... »

« Quelle honte de leur part de ne pas vous dédier chaque heure de leur vie... »

« Je n'aurais pas dit mieux. »

Hermione lui jeta un regard scandalisé, mais par-dessus son verre, Draco l'attendait avec un sourire moqueur. Après une hésitation, elle lança avec le plus grand sérieux du monde :

« Les gens n'ont plus aucune conscience professionnelle. »

Il s'étouffa pour la seconde fois.

— Un problème Draco ? dit Narcissa d'un ton glacial.

— Non, dit-il en s'éclaircissant la gorge. Rien.

Draco croisa son regard et elle faillit éclater de rire. Par prudence, elle se concentra sur le contenu de son assiette pour le reste du repas.

Lorsque Lucius et Narcissa la libérèrent de leur présence, elle n'avait qu'une envie ; regagner la chambre qu'ils avaient gracieusement mise à sa disposition, poser sa tête sur l'oreiller et fermer les yeux.

« Viens. »

À mi-chemin dans le manoir, elle réalisa que Draco ne l'amenait absolument pas à sa tour, même plutôt à l'opposé. Un escalier de marbre les mena à un balcon où deux colonnes encadraient une porte et Draco lui ouvrit sa chambre.

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Guet-apens, le retour.

Dans tes penséesWhere stories live. Discover now