Chapitre 5 - Alba

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Dans le métro, c'est blindé. Je n'ai jamais vu autant de monde. Je ne sais même pas s'il y a autant de monde dans le village de mes grands-parents en Espagne.

— C'est toujours aussi rempli ? demandé-je à Agustin.

Son regard se pose sur moi et il soupire avant de prendre son téléphone. Je suis son mouvement et m'aperçois qu'il met sa musique sur pause pour me répondre :

— Tous les jours, tout le temps. Bienvenue à Paris !

Il me sourit et n'attend pas de réponse de ma part pour relancer sa musique. Je l'observe, je le détaille et suis perturbée par ce qu'il dégage. Son sourire est factice, comme un masque qu'il porte. Je le vois.

Il fait semblant, mais pourquoi ? Je n'arrive pas à déceler ses émotions, il a l'air si secret. Je pensais sincèrement qu'on allait pouvoir discuter ensemble sur le trajet, mais il a l'air dans son monde. Et c'est... intrigant.

On sort enfin de ce premier métro et je le suis jusqu'à la correspondance qu'on doit prendre. On rentre dans le nouveau métro qui est tout aussi chargé. Je trouve ça épuisant de voir autant de monde dès le matin. Ça empeste le parfum bon marché dans cette rame du métro et j'essaie de ne pas respirer trop fort. L'odeur me dégoûte et me donnerait presque envie de renvoyer mon petit-déjeuner sur le sol.

Agustin retire enfin ses écouteurs et reporte son attention sur moi mais il ne dit toujours rien. Pour briser le silence entre nous, je tente de lui parler de quand on était petits :

— Tu te souvenais de moi, de quand on était à Madrid ?

Ses yeux verts se teintent soudain d'une tristesse immense. Et je tente de me souvenir ce qui s'est passé, en vain.

— Oui, t'étais déjà une petite emmerdeuse, finit-il par dire d'un ton nonchalant.

— Ah, sympa ! rigolé-je pour détendre l'atmosphère entre nous.

Je me fais bousculer par une femme avec un immense sac à dos et je manque de tomber lorsque le métro redémarre. Je m'agrippe alors à la seule chose devant moi : la main d'Agustin.

— Oh pardon, m'entendé-je lui dire sans réaliser que nos peaux se touchent.

Je me raccroche à la barre du métro, déstabilisée par son regard perçant. Il ne peut pas regarder ailleurs ?

— Ton accent, il s'entend un peu quand même, remarque-t-il.

— Tu trouves ?

— Ouais, mais ça va tu parles bien, pour une Espagnole.

— Ma mère est française, ça aide à apprendre les bons mots et les bons réflexes dans la langue.

— Oui, je sais.

— Donc tu te souviens de mes parents ?

Il acquiesce d'un hochement de tête et je ne continue pas mon interrogatoire sur le passé, puisqu'il ne semble pas vraiment enclin à en parler.

Son regard pèse sur moi et ça en devient presque gênant. J'ai envie de lui demander ce qu'il regarde comme ça et pourquoi, mais pour une raison qui m'échappe, je n'ose pas. Je crois que je n'ai pas envie d'entendre la réponse.

— Voilà, on descend ici, déclare Agustin en détachant enfin son regard de moi.

Je raffermie ma prise sur la anse de mon sac sur mon épaule et souffle un bon coup en sortant du métro.

Ça y est, j'y suis. Il n'est pas loin de huit heures trente et l'immense bâtiment de l'université se trouve devant moi.

— C'est aussi grand que ça ? demandé-je à Agustin qui est déjà un peu plus loin en train de marcher.

Sans filtreWhere stories live. Discover now