Sans filtre

Chapitre 3 - Agustin

Elle n'a pas changé. Enfin si. Mais elle a toujours ce truc en elle qui m'oblige à ne pas la quitter du regard. Elle dégage quelque chose de naturel qui m'empêche de détourner les yeux d'elle. Dès que j'ai entendu ma mère ouvrir la porte, je savais qu'elle était là.

Ses longs cheveux bruns ondulés lui tombent dans le dos, comme une princesse, il faut le dire. Elle a l'air déjà bien familière avec ma mère, mais ça ne m'étonne pas. Ma mère a toujours su mettre les gens à l'aise avec elle et le trajet en voiture a dû être le moment parfait pour elle de lui parler et de briser la glace. Mais je n'ai pas la force de jouer au mec cool et sympa qui l'accueille les bras grands ouverts. En réalité, je m'en fiche un peu qu'elle vienne habiter ici, je passe la plupart de mon temps soit au studio avec mon pote, soit enfermé dans ma chambre. Et la maison est assez grande pour ne pas se croiser. Les probabilités pour qu'on se croise sont pour ainsi dire quasi nulles.

Je ne sais pas pourquoi j'ai sorti cette connerie, mais je n'ai pas spécialement envie de faire dans la charité et encore moins lui faire visiter la maison. Lucas saura très bien faire sans moi. Je remonte directement dans ma chambre en claquant la porte et je remets mon casque sur mes oreilles.

La musique pulse dans mes oreilles et je me détends enfin. J'écoute le dernier morceau que j'ai composé à la recherche d'une faille, de quelque chose à modifier, de quelque chose qui sonnerait faux dans l'harmonie. Mais je ne trouve rien pour l'instant.

Peut-être que c'est parce que c'est au moins la soixantième fois que je l'écoute.

Je me laisse bercer par les basses et ferme les yeux. J'oublie tout l'espace de deux minutes trente, me permettant de me vider la tête. Cette sensation que me procure la musique est indescriptible. C'est comme si je me sentais enfin chez moi, comme si cela pouvait me rapprocher de celui qui comptait le plus dans ma vie. Comme si ça me permettait de communiquer avec lui.

Je suis interrompu dans ce moment si important pour moi par quelqu'un qui frappe à ma porte. Je l'entends au loin, mais je fais mine de ne pas entendre pour ne pas avoir à ouvrir.

Mais c'était sans compter sur la persévérance de mon demi-frère. Je tourne la tête vers ma porte qui s'ouvre doucement et vois la petite tête de Lucas apparaître.

— Agustin ?

Je retire mon casque et fais tourner ma chaise sur elle-même pour lui faire face.

— Qu'est-ce que tu veux ?

J'allais continuer par « petit con », mais la présence d'Alba m'ont empêché de continuer. Elle se tient là, le dos bien droit dans l'embrasure de la porte, à côté de Lucas.

— Euh, je faisais visiter la maison à Alba.

— Le château, tu veux dire ! s'exclame-t-elle un brin trop joyeuse pour moi.

Je ne relève pas et attends que mon demi-frère poursuive.

— Donc, voilà ici c'est la chambre d'Agustin, tu le trouveras toujours là s'il n'est pas dans la salle de sport ou sorti.

— Parce que vous avez une salle de sport ici ? demande-t-elle intriguée. C'est vraiment énorme !

Lucas rigole devant l'air mi-choquée, mi-amusée d'Alba.

— Eh oui, et attends, t'as pas encore vu la salle de cinéma ! Allez, on continue, tu vas voir ça, c'est au sous-sol.

— Mais c'est incroyable !

— Allez, à plus Agustin. Maman t'attend en bas pour manger d'ici dix minutes.

Je ne réponds rien et remets le casque sur mes oreilles. Je leur fais juste un signe de la tête pour signifier que j'ai bien entendu et ils repartent pour leur visite.