Chapitre 2

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« UN COLOCATAIRE ? »

Dix-huit minutes que mes pieds ne cessent de taper le sol en carrelage, et que je ne cesse de jouer avec mes bracelets. Assise sur le canapé moelleux de mon frère, j'attends qu'il pointe le bout de son nez.

Tandis que le jet d'eau de la douche de la pièce d'à côté s'arrête, je change à nouveau de position et continue mes gestes de stressée de la vie. Depuis que j'ai posé mes fesses sur ce sofa à un prix exorbitant, je ne cesse de me remémorer la courte conversation que j'ai eu avec mon dernier partenaire sexuel.

—   Attends, Logan a une petite sœur ? C'est mon meilleur ami et je n'ai jamais entendu parler de toi.

—   Et moi jamais il ne m'a dit qu'il vivait en colocation !

Depuis que nous avons réalisé notre erreur – erreur que nous ne savions pas interdite – nous nous ignorons. Il m'ignore plutôt. Je le fais par égo, mais je ne supporte pas cela. Après le moment que nous venons de partager, nous ne pouvons pas non plus, faire comme si rien ne s'était passé. Je ne le comprends pas vraiment.

Soudain, le bruit de la porte d'entrée qui claque me réveille aussitôt. Logan est là. Paniquée, j'hésite entre me lever et l'accueillir, ou bien me cacher dans un placard. En décidant de faire comme s'il ne s'était rien passé, difficilement, je me lève. Mes pas sont délicats, je n'ose à peine me dévoiler.

—   Kai, tu as vu ma p'tite sœur devant la porte à ton arrivée ?

Je reconnais sa voix. Cinq ans que je ne l'avais pas entendue une seule fois et pourtant, elle avait exactement la même intonation dans ma tête. Et toujours le même surnom. En sortant de ma cachette, je souris timidement et apparait dans le hall. Mon grand-frère se tient debout et enlève sa veste, tandis qu'un autre homme enlève ses chaussures. Il les range dans un placard, visiblement habitué. Lui aussi, habite ici ?

Un bruit sourd me fait sursauter. Logan vient apparemment de me remarquer, comme s'il venait de voir un monstre. Il en a même fait tomber son téléphone. Il me dévisage, tout en ayant un regard illisible. Ses cheveux noirs ont été coupé très courts, mais je reconnais son doux visage. Si innocent et pourtant si machiavélique à la fois. Comme des inconnus, nous nous analysons pendant un long instant. Comme si l'on se découvrait pour la première fois.

—   Livia... qu'as-tu fait à tes cheveux... et tous ces tatouages...

—   Moi aussi, je suis ravie de te revoir grand-frère !

Visiblement toujours sous le choc, je le prends dans mes bras alors qu'il ne me touche pas. Après des secondes qui me paraissent l'éternité, il resserre enfin son étreinte. Je ferme les yeux et me rappelle ce dernier geste affectueux que nous avons partagé. Il y a cinq ans...

Logan partait de la maison familiale le jour de ses dix-huit ans. À l'époque, je ne comprenais pas son attitude. Je ne le trouvais pas assez reconnaissant envers nos parents. J'ai grandi et puis j'ai commencé à l'envier. Partir de notre chez-nous a été tellement dur pour ma part, que je me suis promis de faire comme lui : partir pour ne plus jamais revenir. Son départ l'a métamorphosé.

Son sourire et son regard brillant m'observent encore, lorsque nous nous écartons l'un de l'autre. Il se gratte le crâne, en essayant de se reprendre en main. Mais en vain.

—   Ils ne t'ont pas tuée au premier tatouage ?

—   Disons que j'ai caché la majorité pendant des mois...

Logan écarquille les yeux. Puis un rire qui sort de sa bouche, me ramène des années en arrière. Les moments que nous passions ensemble, étaient les seuls où il souriait. Et j'ai compris après son départ pourquoi. Il était fort.

Lies Under TensionWhere stories live. Discover now