Chapitre 2

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Je suis en pleine consultation d'un détenu qui se plaint de douleur à la gorge. Je l'ausculte, angine blanche. Je le mets sous antibiotique et antalgique. Ses médicaments seront livrés dans deux heures.

Je revois le patient Lorenzo. Le cardiologue m'a transmis un compte-rendu des examens. Il souffre de la bicuspidie aortique familiale qui est une maladie génétique. Il doit probablement le savoir, il doit être traité pour. Il est assis sur le lit avec un livre de Voltaire: l'ingénu.

— Bonjour Mr Gianni.
— Docteur Princesse.

Il fait référence à mes barrettes en forme de  cœur rose. J'aime l'univers féerique. J'ai gardé une âme d'enfant, j'assume pleinement cette partie de moi.

— J'ai reçu le compte rendu du cardiologue. Vous avez une maladie génétique. Prenez-vous votre traitement?
— Oui. Depuis mes 10 ans.
— Aviez-vous des douleurs ces dernières années?
— Non.
— Étonnant, que les douleurs se déclarent une fois incarcérées.

Il sourit, il le fait exprès.

— Vous aimez la littérature française, docteur princesse?
— C'est une question ou affirmation?
— A vous de me le dire.
Je secoue la tête et souris.

— Je vais vous ausculter.

Je lui fais enlever son t-shirt. Je palpe son abdomen, son corps est ferme, trop ferme. Je n'arrive pas à palper son abdomen pour évaluer les organes et déceler une quelconque masse.
Il sourit.

— Plus fort docteur princesse.

Il me saisit les mains et appuie plus fort. Il n'y a aucun signe de masse palpable, il est souple. J'examine ses chevilles, aucun signe d'oedème. Je me saisis de mon stéthoscope, j'écoute son coeur. Il y a un petit trouble du rythme dû à sa pathologie et un petit souffle au cœur. Sa valve cardiaque est fonctionnelle d'après l'échographie.

Je vérifie les bruits pulmonaires, rien à signaler. Je vais le voir régulièrement pour suivre sa pathologie. Ses yeux ne me quittent pas du regard, l'air se charge d'électricité, je reprends contenance.

— J'aimerais vous ausculter  tous les deux jours.
— C'est vous le docteur.
— Je ne veux pas passer à côté d'une complication de votre problème cardiaque.
— Bien docteur princesse.

Cet homme est beau et dangereux. Quelque chose de dangereux se dégage de sa façon d'être.
Quand je suis en sa présence, je reste sur mes gardes. Je côtoie des détenus les plus redoutables de la Californie, mais ce que dégage Lorenzo Gianni est différent. Il impose le respect.

Ma journée se finit, je rentre rejoindre Betty. Je l'accompagne sur un de ses chantiers, elle souhaite avoir mon avis sur une pièce du cabinet médical qu'elle décore.

Je prends ma douche, me change et me mets à l'aise. Je la rejoins à l'adresse qu'elle m'a préalablement envoyée, un cabinet esthétique. C'est magnifique, elle est douée. Je la retrouve dans un des bureaux de consultation.

— Faith, te voilà enfin là.
— Désolée, j'ai dû passer à la maison me changer.
— Tu vois ce lavabo?
— Oui.
— J'aimerais le déplacer près du lit d'auscultation.
— C'est plutôt une bonne idée.
— Le problème  c'est que la place entre le lit et le lavabo sera insuffisante.
— Ah! Pourquoi tu ne mettrais pas le lit dans l'autre sens?
— J'y ai pensé, mais j'ai peur que le passage soit trop juste.
— Fais un essai.

On déplace le lit dans l'autre sens, on place une étagère pour combler l'espace du futur lave-main.
Il y a assez de place, on remet en ordre la pièce.

— Merci Faith. Je vais réfléchir. On y va ? On mange indien?
— Si tu veux.

On finit dans ce restaurant où nous sommes des habituées, j'aime les cuisines du monde.
En ressortant, nous nous dirigeons vers ma voiture. J'ai l'impression d'être épiée. Je me retourne, je ne remarque rien de suspect.
Betty me trouve paranoïaque.

Prison HeartWhere stories live. Discover now