Julia Cohen
- Mademoiselle Cohen debout !
Mon regard papillonne quittant le tableau pour se diriger vers la source de mon désagrément.
Un visage tacheté de marron, de beau yeux vert-gris et une bouche rose, un beau vieux rose plus sombre aux bords. Son visage est hilare tout en étant sérieux et fermé. Des mèches brunes s'échappent de sa coiffure et glissent aux coins de ses yeux.
- Pardon... marmonnais-je.
- Peux-tu répondre à la question ? demande ma professeure en retour.
Je suis déboussolée, je n'ai absolument rien écouté depuis un moment, dans les vagues, Max, mon amie, me donne un coup de coude et désigne du menton le tableau blanc que je fixait plutôt. Évidemment, je n'avais absolument pas fait attention à ce qui était écrit !
Peut-on dire que Baudelaire change la boue en or dans son recueil Les Fleurs Du Mal ?
Facile ! C'est oui ! La réponse c'est oui !
- Hem oui... Enfin oui... On peut dire que Baudelaire change la boue en or, bégayais-je.
- Et comment ? demande ma prof de nouveau.
- Par le biais de l'alchimie poétique, Baudelaire puise dans ce que la société trouve laid ou inintéressant, une beauté nouvelle rendant à ces choses un mérite perdu, répondis-je concentrée sur ma fiche vierge.
La poésie est quelque chose que je maîtrise plutôt bien, trop bien même puisqu'on m'as souvent accusée de triche, sans preuves évidemment puisque je n'ai rien à me reprocher.
Cette même prof l'avait fait, au début mais comment expliquer que j'ai eu un coup de foudre pour Baudelaire ? Que c'est un poète qui me fascine et chez qui je retrouve certaines de mes caractéristiques malgré son machisme désolant ?
- Bien, merci, essaie de suivre, sourit ma prof avant de retourner au tableau pour écrire des éléments clés de ma réponse.
Son corps se moue avec aisance et grâce, oui elle est magnifique, grande et fine, peut de formes et toujours très bien habillée. Aujourd'hui, elle porte une robe bleu à la taille cintrée aux épaules décorées de fleurs brodées, accompagnée de mocassins noirs.
Oui elle est belle physiquement mais elle est aussi mentalement merveilleuse. Intelligente, drôle, à l'écoute et toujours bienveillante c'est un véritable rayon de soleil.
Elle se retourne et ses yeux rencontrèrent les miens. Très vite je détourne le regard au profil de ma feuille que je remplis de mots sans y faire vraiment attention. J'ai des troubles de l'attention et de la concentration ce n'est un secret pour personne hormis elle qui est nouvelle ici.
Son regard me brûle alors que je le sens glisser le long de mon corps et s'attaquer au serpent tatoué sur mon bras. C'était la première fois depuis huit ans que je porte un t-shirt qui dévoile mes bras malgré les canicules passées.
Le serpent s'enroule autour d'une dague sur tout le haut de mon avant bras. Le fond était couvert de roses ce qui me faisait une sorte de bracelet cachant mes cicatrices. De l'autre côté c'était un revolver tirant une rose maintenant par une main squelettique.
J'avais mis un haut bien transparent laissant voir ma brassière en dentelle noire et, plus bas, la fin de l'énorme papillon sur le haut de mon ventre et le dessous de mes seins. Dans mon cou trônait un petit scorpion et sa constellation rappelant mon signe astrologique.
Je n'ai pas le profil d'une bonne élève surtout si l'on rajoute mes piercing et mes tenus qu'on juge souvent provocantes.
Par dessus le marché, je dirais que ma tignasse naturellement orange ne m'aidait pas à me faire disparaître, au contraire.
