Le Gardien de Souvenirs

Chapitre 4: Terre Inconnue

— Mes calculs m'indiquent que Sion 97RV a une gravité de 0,84g,» expliqua Anne depuis l'interphone du sas. «Ce qui veut dire que votre masse corporelle peut être ré-estimée à quarante-huit kilos pour madame Walker et cinquante-trois kilos pour monsieur Leroy, soit environ dix kilos de moins. J'ai désactivé la gravité artificielle lors de notre descente, afin de conserver l'énergie du vaisseau pour des systèmes plus importants.

— Cool, c'est le poids que je faisais quand j'avais vingt ans,» répondit-il en faisant un pas tremblant vers l'avant. «Woah, c'est vrai que ça fait bizarre.»

La jeune femme s'était accaparée d'une combinaison à sa taille, qu'elle enfilait avec une précipitation difficile à ne pas remarquer, sans pour autant oublier la moindre sangle et fermeture. Elle était emmitouflée jusqu'au cou quand elle tourna son regard intense vers lui. Elle dut voir la façon dont ses épaules se crispèrent, car ses lèvres s'étirèrent en un rire narquois.

— «Tu viens, oui ou non?» demanda-t-elle. «Tu as trop peur, peut-être?

— Tu vas pas me te dire que t'as aucune appréhension, toi non plus!» couina-t-il. «A ce que je sache, t'es pas une scientifique de terrain.

— C'est pas comme si quelqu'un pouvait faire le travail à notre place.» Elewen tendit une main dépitée en direction des quartiers du vaisseau, vide de monde. «Si nous ne le faisons pas, qui sait combien d'années il faudra à C-XES pour renvoyer une nouvelle équipe ici? Chaque moment qu'on passe ici est une opportunité en plus pour nous de découvrir quelque chose de nouveau. Je ne peux pas laisser passer ça. Alors, tu viens?»

Il considéra la combinaison que la jeune femme lui tendait et la saisit d'une main hésitante — étrangement, elle avait trouvé exactement la bonne taille du premier coup—. Son cœur ne s'arrêta pas de battre la chamade alors qu'il enfilait l'attirail et il dut prendre une profonde inspiration pour s'empêcher de quitter le sas et de se réfugier dans le canapé.

Il savait qu'Elewen avait raison et qu'ils ne pouvaient pas rester les bras croisés alors que l'expérience de leur vie pouvait se trouver au-delà de ces portes, mais il savait aussi que l'enthousiasme seul ne permettait pas à une mission d'être menée à bien. Ils étaient des chercheurs, pas des explorateurs, et jamais il ne s'attendait à devoir endosser ce rôle un jour. L'étendue de son travail dans l'Icarus avait été de faire pousser des carottes dans des conditions improbables et de créer des variétés transgéniques, pas d'aller chercher des échantillons sur des planètes austères et dangereuses. Il n'était pas fort, il n'était pas astucieux, il était juste bon à ce qu'on lui avait appris à faire, rien de plus, rien de moins.

Une main se posa sur son épaule et il arrêta de regarder dans le vide pour se concentrer sur Elewen. Il ne parvenait pas à bien voir son expression derrière son casque malgré l'éclairage à l'intérieur; il espéra que ce n'était pas une expression de pitié.

— «Tout va bien se passer,» lui assura-t-elle d'une voix ferme. «On regarde juste les alentours immédiats, puis on rentre, rien de plus. D'accord?» Il hocha hâtivement la tête. «Bien, c'est parti, alors. Anne, je démarre les protocoles d'ouverture du sas.

— Bien reçu.»

La porte du sas se referma derrière eux avec un sifflement, suivi par le vrombissement de la machine à dépressurisation, qui s'intensifia jusqu'à devenir assourdissant. Cela n'arrangeait pas l'anxiété qui s'installait dans le ventre d'Elliot — car ce bruit voulait dire que la planète n'avait pas exactement la même pression atmosphérique que le vaisseau — et malgré le boucan, il était sûr de pouvoir entendre les battements de son cœur dans ses tempes. Il suait à grosses gouttes, bien qu'il ignorait si c'était à cause du stress ou du poids de sa combinaison. Son cœur rata un battement quand la porte vers l'extérieur finit par s'ouvrir lentement, laissant entrapercevoir les chauds rayons de la naine orange de Demetrius sur son casque.