chapitre 2

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            Eliott ne pouvait ni sortir de cette bulle, ni de chez lui. Cependant il rêvait de sortir, de découvrir le monde ou du moins ce qu'il en imaginait. C'est-à-dire des arbres aux couleurs impossibles et des animaux à la langue bien pendue. Aussi avait-il été terriblement déçu lorsqu'en s'adressant à son poisson rouge, qui lui avait été offert pour son anniversaire, il n'avait reçu aucune réponse. Alors il voulait vérifier ses rêveries, mais sa mère lui interdisait de sortir, même protégé dans sa bulle. Elle avait peur pour lui et elle préférait qu'il restât toute sa vie blotti dans ses rêves et ses illusions. Elle ne supportait pas que son enfant puisse être malheureux et qu'au malheur de la maladie viennent s'ajouter tous les malheurs du monde. Eliott, lui, voulait fuir cette bulle qui le poursuivait dans tous les moments de sa vie. Il n'appartenait pas au monde : il y avait la vie et sa vie.

Le garçon était triste. Et cette tristesse devait s'assombrir.
Un matin, sa mère entra dans sa chambre pour le réveiller, elle ouvrit les rideaux de sa fenêtre et, s'apprêtant à nourrir le petit poisson rouge comme elle en avait l'habitude, elle le vit retourné sur le dos, flottant à la surface. Elle annonça la nouvelle de la mort de Merlin à Eliott qui tomba alors dans un terrible chagrin.

Le deuil était difficile à surmonter pour l'enfant qui, à douze ans seulement, avait toujours été hanté par la mélancolie et qui avait ressenti tant d'amour pour une si petite créature. L'enfant avait depuis toujours été confronté à la mort, du moins la sienne, et pourtant celle de son poisson le tourmentait davantage. Parfois même, il lui arrivait de penser, secrètement et avec culpabilité, qu'il aurait préférait mourir lui-même plutôt que son poisson qui lui manquait tant.

Sa mère percevait son chagrin et, comme n'importe quelle mère à un tel moment, elle se sentait impuissante. Elle lui avait proposé de lui en acheter un autre, mais ce ne serait pas le même ! Ce ne serait pas Merlin !

À travers la bulle de plastique, elle apercevait les orbes adamantines que laissaient traîner derrière elles chacune des larmes de son enfant. Oh, il pouvait se cacher pour pleurer, elle finirait par le savoir, car le pourpre de ses joues humides ne trompait personne ! Elle sut que la seule chose qui pourrait redonner le sourire à son fils était de le laisser sortir.

L'Enfant-bulleWhere stories live. Discover now