Chapitre 3

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            Ainsi Eliott eut enfin l'opportunité de sortir de chez lui et de découvrir le monde . Sa mère aurait aimé l'emmener à la montagne, à l'océan, ou en quelque autre subjuguant et vaste lieu, mais sa bulle le lui interdisait car il ne pouvait prendre aucun moyen de transport. Alors elle l'emmena en ville. Cela suffisait néanmoins à Eliott qui était déjà tout excité à l'idée de découvrir Paris.

Ils sortirent de chez eux et Eliott se mit à rouler dans ou, plutôt, avec sa bulle dans les rues de la ville. L'enfant écarquilla les yeux de manière à ne manquer aucun détail de ce tableau qui lui paraissait si extraordinaire.
Il fut d'abord étonné par la couleur qu'arboraient les feuillages des cèdres et des châtaigniers. Nous étions en début d'automne, saison dorée et adorée d'Eliott qu'enchantaient les nuances de vert et de cuivré avec lesquelles paradaient les arbres frémissants. Naïvement, Eliott s'était toujours imaginé les arbres multicolores, du moins c'est la façon avec laquelle il se plaisait à se les représenter. Mais il ne fut pas déçu tant la nouveauté de ce qu'il voyait suffisait à l'enchanter.

Les passants, eux, ne semblaient pas être aussi émerveillés qu'Eliott. Ils marchaient mécaniquement sans jamais esquisser un sourire, ni porter autour d'eux un regard : le jeune garçon interloqué se dit alors que s'il avait la chance de sortir tous les jours il ne pourrait se retenir de regarder sans cesse en l'air, et tout en levant les yeux au ciel pour regarder les hauts arbres, il trouva beau les nuages qui s'y animaient. Les nuages avançaient très vite dans le ciel et Eliott se demandait où ils allaient et sans vraiment réfléchir le garçon, dans sa bulle, se mit à courir après des nuages qu'il n'atteindrait jamais. Sa mère cria son nom pour l'arrêter et Eliott s'arrêta, puis se retourna vers elle avec une bouche bée et des yeux ronds. Elle lui dit de penser à regarder où il avançait.
Alors Eliott descend le regard, et croise celui d'un sans-abris. Il fut étonné et demanda à sa mère qui était cet homme au visage brûlé par le soleil et assis par terre. Toujours pour le préserver de l'âpre réalité du monde, elle lui répondit que c'était quelqu'un qui préférait vivre dehors et Eliott pensa que c'était fabuleux qu'un homme puisse aimer tant la nature et la liberté qu'il préférât vivre dehors. Il se dit que cet homme à la longue barbe et aux vêtements étonnants devait être bien chanceux de n'étouffer entre aucun mur.

Alors l'enfant en passant devant l'homme lui lança un « bonjour »accompagné d'un grand et franc sourire tandis que le sans-abris surpris lui répondit d'un murmure.

Eliott et sa mère continuèrent leur promenade. Elle avait décidé très normalement de l'emmener au parc. Le garçon dans son enthousiasme roulait si vite qu'il bousculait tous les passants qui se retournaient ensuite vers lui abasourdis. Sa mère était terriblement gênée et s'excusait à chaque fois mais personne ne lui répondait et tous se contentaient de la toiser. Parfois même certains s'autorisaient à houspiller la pauvre femme. Cependant vous vous doutez que rien n'aurait pu arrêter Eliott dans sa course vers on ne sait où!
Une chose l'arrêta néanmoins : une longue file d'attente devant un haut bâtiment gris.

La file d'attente s'étendait sur au moins quinze mètres. Le petit garçon se demanda ce que pouvait bien attendre tous ces gens. Était-ce un restaurant de haute gastronomie ? Eliott imagina les mets délicieux qu'on pouvait y manger, comme des frites ou des cordons bleus! Ou bien sinon une salle de jeux ! Non, non, encore mieux, un zoo ! En tout cas ce lieu devait être exceptionnel pour qu'autant de gens attendent afin d'y entrer ...

Démangé par sa naïve curiosité d'enfant, il ne put s'empêcher de demander à quelqu'un dans la file ce qu'ils attendaient tous et ce qu'il y avait dans ce curieux lieu appelé « CAF ». La femme d'une cinquantaine d'années à qui il s'adressait le regarda hagarde. Surprise par cette énorme bulle parlante, elle ne lui répondit pas tout de suite, alors Eliott répéta sa question. Enfin elle finit par lui répondre : « J'attends l'argent que l'on me doit !» Soudainement, elle avait pris un ton de voix légèrement énervé qu'Eliott interpréta comme l'ennui de devoir attendre aussi longtemps et il la comprenait très bien car lui aussi était très impatient.
Sa mère arriva alors et lui dit : « Voyons Eliott, tu vois bien que tu déranges la dame. Viens on s'en va. Encore désolée madame ! » Mais la femme détourna le regard avec un sourire faussement poli et ne lui répondit pas. « Tu te rends compte maman comme ce lieu a l'air génial ?! On y donne de l'argent ! On peut y aller s'il-te-plaît maman ?
- Non Eliott, peut-être plus tard. Tu n'as pas besoin d'argent toi. On va aller au parc. Tu vas voir comme c'est bien ! »
Alors Eliott suivit sa mère jusqu'aux Buttes Chaumont.

Une fois entré dans le parc, Eliott n'en crut pas ses yeux : comme c'était beau ! Par réflexe, il voulut faire un câlin à sa mère afin de la remercier mais il oublia sa bulle et la renversa. Son enthousiasme ne s'estompa pas pour autant car le ciel était bleu, les arbres dansaient au vent et le soleil se reflétait dans le lac qui scintillait comme recouvert d'or.  

L'Enfant-bulleWhere stories live. Discover now