chapitre 4

4 0 0
                                    

Eliott roulait dans tous les sens. À droite, à gauche, et encore à droite, puis encore à gauche, droite, gauche, droite, gauche... à en donner le tournis. Il roulait sans but, juste pour le plaisir de rouler. Il roula bien plusieurs heures, jusqu'à ce qu'il soit complètement épuisé. Il revint alors vers sa mère : « Maman c'était la meilleure journée de toute ma vie ! » Sa mère lui sourit et lui dit qu'il était l'heure de rentrer. Ils se dirigèrent alors vers chez eux.

Il n'était pas tard, mais déjà le soleil commençait à se coucher sur cette journée qui avait été si éclatante dans le cœur du petit garçon. Les lampadaires s'allumaient les uns après les autres. « Oh regarde maman les étoiles !
- Ce ne sont pas des étoiles, ce sont les lampadaires qui éclairent la ville Eliott, lui répondit sa mère.
- Tu penses que je pourrai voir des étoiles ce soir maman ?
- Oh je ne pense pas que tu puisses ici, tu sais les lumières de la ville éclairent tellement le ciel qu'elles éteignent les étoiles. » Lui expliqua-t-elle.

Brusquement un coup de tonnerre vint retentir et résonna dans le calme sombre de la nuit d'automne qui embrassait la ville. « Qu'est-ce que c'était maman ? » demanda Eliott qui, sans écouter la réponse, se dirigea instinctivement vers l'endroit d'où provenait le bruit. Sa mère le suivit en criant son nom afin qu'il s'arrêtât mais, comme toujours, Eliott ne s'arrêtait pas, ne s'arrêtait plus. Les coups de tonnerre retentirent de nouveau, mais cette fois-ci ils étaient accompagnés d'étranges fumées colorées rouges et vertes. Lorsque le bruit de tonnerre se tut, on entendit des chants enragés au loin.

Eliott ne put s'empêcher de rouler vers ces chants et ces couleurs, comme un papillon est attiré par le nectar d'une fleur, mais comme peut l'être aussi une mouche par du vinaigre. Il faisait enfin nuit et le ciel était éclairé par des espèces de bougies géantes qui explosaient en une multitude d'éclats lumineux et colorés.

En face d'Eliott se trouvait une foule immense qui hurlait et chantait. Un jour, il avait lu dans un magazine un article sur un carnaval, il se dit alors que ce ne pouvait être que ce genre d'évènement. Les gens criaient des refrains dont le rythme emportait le jeune enfant qui ne put s'empêcher de se mêler à la cohue. Et sa bulle disparut, noyée dans la foule, sous les yeux et les cris de sa mère.

Eliott qui avait pourtant l'habitude de rouler avait cette fois-ci la tête qui tournait, pris par la vertigineuse agitation du groupe : il y voyait plein de pancartes qui semblaient valser au-dessus de la foule mais il y avait tant de frénésie qu'il n'arrivait pas à en lire une seule, alors le garçon tenta de se concentrer afin de parvenir à entendre les paroles des cris et des chants qui se mêlaient entre elles et ne percevait que des bribes de phrases, quelques mots qui n'avaient pas vraiment de sens pour lui. Ces hurlements mélodieux et rouges s'enlaçaient autour des mouvements vifs de la foule, et tout ce tumulte s'animait en une danse enfiévrée. Toute cette effervescence enchantait Eliott, bousculé de tous côtés.

Il observait avec fascination ces gens déguisés, dont beaucoup portaient des vestes jaune fluorescent qu'Eliott trouvait très belles (Eliott aimait les couleurs brillantes). Mais quelques personnes en particulier attirèrent son attention. Des gens avec de drôles de casques blancs et bleus qui ne laissaient pas paraître leurs visages et leur donnaient l'apparence de robots ; ils portaient aussi d'étonnants costumes bleu foncé et noir, des gants et des bottes très imposantes. Ils avaient des boucliers, de manière à ressembler à des chevaliers de la galaxie, comme Eliott en voyait dans ses bandes dessinées. Cependant ce qui frappa le plus Eliott furent les nombreux jouets accrochés à leurs costumes : il y en avait plein, des gros et des plus petits. Des jouets qui ressemblaient à des bâtons ou à des pistolets. Eliott pensa que si lui n'avait pas le droit d'utiliser de couteau à bout pointu à la maison, ce pouvait être dangereux de jouer avec tout cela. Il décida qu'en rentrant chez lui il pourrait enfin utiliser un couteau à bout pointu tout seul, comme un grand, car c'était vraiment injuste !
Somme toute, même si Eliott ne reconnaissait pas leurs déguisements, il les trouvait très réussis et assez inquiétants.

Soudain, un autre bruit retentit, un bruit de tonnerre, ou bien de pétard, un bruit nouveau qu'Eliott n'avait jamais entendu et qu'il n'arrivait pas à définir. La foule se mit à paniquer et les gens commencèrent à courir. La bulle d'Eliott fut emportée par une vague de personnes qui fuyaient. Le petit garçon commença à paniquer lui aussi.
Il chercha sa mère mais il ne la voyait pas. Les chevaliers de la galaxie semblèrent s'énerver et devenir de plus en plus agressifs. Ils avaient l'air de se disputer avec d'autres personnes: Eliott connaissait bien cela, il avait déjà vu sa mère se disputer avec des gens. « C'est un truc d'adultes » se dit Eliott.

Seulement, tout le monde paraissait avoir peur d'eux et Eliott comprit qu'il fallait qu'il fuît lui aussi. Mais cela était difficile de fuir avec sa bulle si encombrante !

Tout le monde crie. De peur, mais surtout de colère. Les carnavaliers se calment et se rassemblent en une masse compacte et impénétrable. Ils font face aux robots qui ont déjà dégainé leurs armes. Mais Eliott, à cause de sa bulle qui prend trop de place, ne parvient pas à entrer dans le bloc. Et les policiers menaçants continuent d'avancer en hurlant vers les manifestants qui reculent en hurlant à leur tour. Les hurlements s'amplifient de telle manière qu'on ne peut entendre aucun autre bruit, pas même le cœur d'Eliott qui bat à en éclater. Ni même le tir de LBD, ni même la bulle d'Eliott qui a éclaté. Alors, on entendit seulement le silence lourd que laissa derrière lui le tir et l'écho d'un cri arraché des tripes d'une mère effondrée. Les policiers baissèrent leurs armes.

L'Enfant-bulleWhere stories live. Discover now