Chapitre III

52 3 5
                                    


Il était vers les dix-neuf heures ou vingt heures ? je ne saurais que dire, même de matinée, il faisait sombre à l'extérieur aussi bien qu'à l'intérieur. Je renonçais à toutes notions du temps.

Toujours dans cette cambuse, Maria m'avait confiée que nous, les enfants n'avons le droit de nous esquiver de nos dortoirs que pour se rendre en classe, faire les corvées ou pour se restaurer.

C'est curieux, " Helaena school " est aussi censée venir en aide aux mineurs perturbés mentalement. Comment va-t-elle y parvenir si nous n'avons aucune séance de thérapie ou quoique ce soit d'autre ?

Peu m'importe, je n'en aie besoin mais pour les autres, je les plains.

Pourquoi l'atmosphère était-il si ténébreux ?
Ainsi, même la lumière de la lune ne pouvait franchir les vitres de ces fenêtres ? Seules de petites luisances y parvenaient.

Un bruit strident se fit entendre.

On aurait dit qu'une personne avait projeté une lourde pierre contre le bois de la porte.

Ce n'était point le plus étrange, le plus étrange était qu'aucune ne paraissait surprise de ce grondement qui me fit froid dans le dos.

Le tapage reprit, un coup rapide et sourd.
Je me levais précipitamment, personne ne semblait l'entendre.
Étais-je la seule ? Suis-je entrain de perdre la tête ?

Vanessa, la plus jeune d'entre nous se releva telle une âme vagabonde. Elle traversa la chambre d'une marche lente et calculée.
Elle fit dix pas de son matelas jusqu'au centre du dortoir.

J'ai la fâcheuse habitude de tout examiner.

Elle plaça une chaise en dessous du petit chandelier puis y monta, une autre vint lui donner un brandon qu'elle utilisa pour embraser les cinq bougies suspendues. Celles-ci étaient de couleur foncée : elles étaient rouges, comme du sang.
De fines gouttelettes de cire commençaient à s'écraser sur le sol.

Un autre coup plus perçant, plus fort, un " BANG " effrayant.

Cette fois-ci, je me contentais de fixer la porte.

Une voix s'éleva dans la chambre.
Elle disait :
_ " Puellas, aciem instrue. "
Cette langue, c'est du latin j'en suis plus que convaincue.

Toutes mes camarades comme des machines mises en marche se dressèrent et s'arrangeaient en une ligne droite.

Je les regardai comme si elles n'étaient plus des humaines mais en cette circonstance elles n'en avaient pas l'air avec ces robes de fantôme et ces traits perdus dans le vide.

Maria me lançait un air qui voulait tout dire : " qu'attends-tu pour nous rejoindre ? "

Je remis mon voile et me plaçai derrière elle.

Le rang bougeait prudemment comme si une personne nous disait à quel rythme marcher.

Nous traversâmes le couloir et je vis là plusieurs autres groupes d'élèves, sortant des chambres successivement, chambre par chambre.
Tout était organisé, on aurait dit une ruche d'abeilles.

Je descendais les marches grinçantes lentement, observant autour de moi, je ne sais ce qui se passe mais c'est anormal.
Tout dans cette situation était anormale.
Et pourquoi il n'y avait aucune lumière ni dans le couloir ni dans le hall ?

Nous déambulions pendant un moment. Je me rendais compte à quel point c'était spacieux ici.
En face d'une immense porte en bois, nous nous arrêtâmes enfin. Les petits groupes s'étaient arrangés en trois longues lignes strictes, je devais me retrouver au milieu de l'une d'elles.

Je gigotais légèrement, essayant de me mettre sur la pointe des pieds pour voir ce qu'il y avait devant moi, je n'avais pas une bonne vue de là mais je réussis à distinguer deux hommes menus, tenant chacun un battant de la porte.

Je luttais pour garder l'équilibre, moi qui suis peu agile.

Une main dure me toucha l'épaule, je me retournais, vérifiant à qui elle appartenait : à une jeune femme qui devait être âgée de dix-sept ans tout au plus.
Elle me dit une phrase qui me semblait peu possible :
" Tiens-toi tranquille, ils peuvent te châtier s'ils t'aperçoivent. "
Me punir pour cela ? J'y crois peu.
Mais la vieille sorcière m'a giflée quand je me débattais plus tôt dans la journée. C'est admissible finalement.

Je me tins droite de nouveau, baissant la tête pour me fondre dans la foule.

La porte s'ouvrit.
Une dame sortit de la pièce en devant, elle tenait une bougie rouge comme celles accrochées sur les murs de ce corridor. Au moins, ici brillaient des lumières.
La femme avait l'air d'être âgée, c'était celle qui m'avait coupé les cheveux.

À présent que nous avancions, je la regardais de plus près, elle ressemble à un navet.

______________________________________

La phrase en latin signifie : " Les filles, alignez-vous. "

Templum InfortuniiWhere stories live. Discover now