Chapitre 3 : Héra

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Je me tiens dans l'atrium d'une maison, sous ma forme de déesse, totalement invisible aux yeux humains. Au creux d'un mur se trouve une statuette me représentant, ainsi qu'un pot en terre cuite dans lequel quelques feuilles de laurier brûlent. Des fruits sont déposés dans une corbeille, des bougies d'huiles sont allumées, et une plume de paon est placée à côté de la statuette. Une vieille femme se tiens devant l'autel, elle se balance d'avant en arrière et chante des prières, comme elle le fais depuis 6 jours sans discontinu.

Dans la pièce d'à côté, j'entends deux hommes converser du mariage prochain de leurs enfants. Ils sont en train de discuter du prix de la dot que le père de la jeune femme doit verser à la famille du jeune homme. La conversation semble se rapprocher de sa conclusion, et la servante de la famille s'apprête à leur apporter le vin scellant le futur mariage.

Bien que j'essaye, je ne comprends pas pourquoi cette vieille femme me chante des prières aussi désespérées. Son fils va se marier, la dot que la famille va payer n'est pas exorbitante mais tout de même intéressante, et la jeune femme qu'il va épouser semble venir d'une bonne famille. Je me rapproche d'elle et attends à ses côtés qu'elle m'explique la raison de tant de tristesse dans un de ses chants déformé par les larmes

"- Je vous en supplie Héra ! Pas cette femme ! Ne laissez pas mon fils se marier avec une femme qui ne l'aime pas. Il ne mérite pas le malheur d'un cœur brisé et d'un mauvais mariage. Je vous en supplie déesse, ne faites pas ça à mon fils mais ne faites pas ça non plus à Lanthé, elle mérite mieux »

Je n'ai pas besoin d'en entendre plus pour comprendre le problème. La vieille mère continue de chanter son désespoir, mais je m'éloigne. Son chagrin et son appréhension sont trop présents dans cette pièce pour que je puisse réfléchir correctement à un plan.

Parce que les situations comme celle-ci sont malheureusement beaucoup trop courantes. La jeune fille est tombée amoureuse d'un jeune homme, mais les parents sont contre cet amour. Ou alors les parents ont déjà prévu un autre avenir pour elle. Ou tout simplement ils n'en savent rien et agissent pour lui trouver un bon époux. Un marché est alors passé au sein des familles, les futurs mariés ne se voyant presque pas, ne peuvent pas créer une connection suffisante. La mariage est alors voué à être misérable avant même d'avoir commencé.

Et il n'y a pas besoin d'être une déesse pour savoir à quel point les mauvais mariages sont délétères. Les méchancetés et les coups bas s'enchaînent. Puis les tromperies suivent et les enfants payent le prix de la mauvaise entente des parents. Ces mariages me sont insupportables et je fais mon possible pour les éviter. Parce que chacun d'entre eux me rappelle le mien.

Zeus était un bon mari, autrefois. Il me rendait heureuse. La naissance de nos enfants l'a remplie de bonheur, et il était un père parfait. Mais avec le temps, il s'est lassé et je ne lui ai plus suffit. Il s'est mis à aller voir d'autres femmes, les unes après les autres. Et même si j'ai beau découvrir ses mensonges et le supplier d'arrêter, rien ne semble l'atteindre.

Mon attention se porte à nouveau sur cette vieille dame, cette mère de famille qui se tourne désormais vers moi pour l'aider. Je lui place une main sur l'épaule et lui chuchote quelques mots d'encouragements à l'oreille. Je sais qu'elle ne m'entend pas, mais j'ai maintenant un nouveau mariage à sauver.

*

Je rentre au palais après plusieurs heures de voyage. Bien que je sois une déesse, il est difficile pour moi de voyager entre l'Olympe et le monde des mortels.

« Alors ma chère. Comment s'est passée cette descente en Corinthe? » me demande Iris. Je me laisse tomber dans un fauteuil, épuisée.

« Une pauvre vieille femme qui voulait empêcher un mauvais mariage. »

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