Chapitre 3 - La Moisson (1)

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Une douce brise me caresse le visage et soulève délicatement ma couverture. J'ouvre les yeux et je respire pleinement l'air marin. L'odeur salée et si familière, que je ne sentirais peut être plus jamais, me chatouille les narines et achève de me réveiller.
Je me lève et me dirige vers la salle à manger. Mon père est déjà là, la mine grave des jours importants gravée sur ses traits vieillissants. Il grommelle un vague « bonjour », auquel je répond avec plus d'entrain. La boule au ventre, je me sers un verre de lait et une assiette de fruits de mer. Ces mets sont très coûteux, et par conséquent nous n'en mangeons pas souvent, nous préférons les réserver pour les jours spéciaux. Je crois pouvoir considérer aujourd'hui comme un jour particulier.

Le déjeuner se déroule dans une ambiance pesante. Le silence de mon père fait régner une froideur et une lourdeur ambiante. Une fois que j'ai terminé de manger, je me hâte de quitter la table, pressé de respirer enfin.

Je m'habille à la hâte, avec une chemise en lin beige, légère car l'air marin du district 4 est normalement assez chaud. J'enfile un bermuda noir, ainsi qu'une paire de chaussures blanches. Je tente de coiffer ma chevelure blonde, mais voyant que la moitié de mes mèches retombent sur mon font malgré mes efforts, j'abandonne.

Plus le temps avance, plus ma poitrine se serre. Je n'ai pas oublié mes doutes de la veille, et cette question continue de me ronger. Je me reprends : c'est complètement ridicule. Je ne vais certainement pas abandonner mon objectif, ce pour quoi je me suis entraîné toute ma vie, à cause d'une petite peur insignifiante.
Je m'efforce de retrouver ma détermination. Je pense a ma grand-mère. Je les fais pour elle ces jeux. Je vais les gagner pour elle. Même si elle ne l'a pas voulu. Je n'aurais qu'à imaginer que les tributs dans l'arène sont responsables de la maladie qui a mit fin aux jours de Marina. Pour l'instant, ce plan me paraît simple. Plus qu'à voir si je réussis à l'appliquer.

Je rejoins mon père au salon. Il a revêtu sa seule chemise, bleue et usée. Je remarque qu'il n'a pas quitté son air grave et soucieux. Il me regarde, et je ne vois pas une once de tendresse ou d'amour dans ses yeux noisettes. Il me dévisage, de haut en bas, et semble satisfait par ma tenue.  Puis il se dirige vers la porte d'entrée, et sort de la maison. Je le suit, tendu comme un arc.

Dès que je mets un pied dehors, les relents marins et l'effervescence du petit port de pêcheurs m'assaillent de toutes parts. Plusieurs hommes et femmes travaillent déjà, avant la Moisson. Du sable s'incruste dans mes chaussures et se loge dans mes cheveux. Les conversations sont ténues parmi les travailleurs aujourd'hui. Contrairement à d'habitude, tous travaillent en silence, les traits tendus. Je remarque même une dame en train de découper des poissons, les mains tremblantes. Personne n'a envie de se réjouir, personne n'a envie d'être heureux le jour de la Moisson. J'aurais voulu les rassurer, leur dire que je serai volontaire et que leur enfant ne sera pas choisi, mais mon père hâtait le pas, et je devais le suivre de près.

Nous parvenons enfin à la grande place, où va se tenir la cérémonie. Des centaines de personnes sont déjà là, rassemblées au centre de la place, devant l'estrade. Les pacificateurs contrôlent tout, plaçant les gens selon leur âge et leur sexe. Je me sépare de mon père qui va se placer derrière avec les adultes, et je me dirige vers un pacificateur qui me demande mon nom et mon âge. Je me retrouve dans une rangée avec des garçons de mon âge. Je les connais tous, mais aucun n'est mon ami. Je n'ai jamais vraiment eu d'amis. Je suppose que c'est à cause de mon caractère insociable et impulsif. Les autres garçons me dévisagent avec un air hautain. J'ai très envie de leur faire ravaler leur air supérieur avec une bonne droite, mais je me retiens. Je garde ça pour les Jeux.

Je me tourne vers l'estrade : la cérémonie va commencer. Une femme du capitole, vêtue d'une tenue improbable composée d'une perruque vert criard, d'un corset de la même couleur et d'une jupe bouffante et courte, d'un blanc fluorescent qui m'ébloui. Son visage est chargé d'un maquillage très voyant qui lui colore la peau en blanc immaculé et qui lui allonge les cils d'au moins 5cm. La femme prend la parole, et sa voie aiguë amplifiée pas le micro résonne dans la place :
« Bonjour, bonjour, cher district 4. C'est un honneur pour moi de m'être vue assigné votre district, je suis ravie d'être ici. Je m'appelle Olga Bones, et je suis ici pour procéder à la Moisson. Mais avant cela, laisser moi vous présenter un merveilleux film en provenance du Capitole, réalisé pour vous, les districts. »
La fin de sa phrase s'accompagna d'une légère grimace de dégoût, qui me parut un peu exagérée. Nous ne sommes tout de même pas des animaux répugnants.
Le film commence, on y voit des images des anciens hunger games, des vainqueurs, de la paix qui règne dans les districts et au capitole.  Olga semble subjuguée par la projection, et quand celle ci s'achève, elle tape bruyamment dans ses mains en émettant des petits cris surexcités. Je me surprends à ressentir un profond mépris pour cet espèce d'oiseau déguisé. « L'oiseau » se dirige vers les grandes coupoles dans lesquelles le nom de tous les enfants du district 4 sont présents, plus ou moins de fois.
« Nous allons maintenant procéder à la sélection des tributs qui auront l'honneur de représenter ce magnifique district au 72e hunger games ! Comme d'habitude, les dames d'abord. Ah, non, j'oubliais ! Il y a t'il des jeunes filles volontaires ? »
Personne ne se désigne. Olga semble déçue, mais elle se reprend vite et retrouve son air d'excitée stupide. Elle plonge alors sa longue main sertie d'ongles pointus et d'un vert aussi criard que ses cheveux dans la coupole des filles, et en tire un petit papier. Lentement, elle l'ouvre et un nom résonne dans la grande place : « Kate Henrys ». Ce nom m'est inconnu, mais en revanche lorsqu'une fillette aux longs cheveux châtains s'avance en tremblant, je la reconnais. Je l'ai déjà vue chez Marina, il y a bien longtemps. Elles fabriquaient des bijoux avec des coquillages, dans le petit salon au sol tapissé de sable de ma grand-mère. De ce que j'avais compris, cette petite est la petite-fille d'une proche amie de Marina.

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 27, 2023 ⏰

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Les 72èmes Hunger Games - Julian et  HannahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant