Chapitre 3

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Pdv d'Iram :

Je franchis le portail noir qui m’accueille à bras ouverts tout en m'invitant à entamer un nouveau chapitre de ma vie estudiantine. Une accolade fabuleuse !

Le logo GW doré, soigneusement calligraphié sur une représentation sculpturale de livre ouvert, auréole deux portes métalliques en vernis noir. Sur les deux murs à gauche et à droite de l’entrée majestueuse se trouvent deux planches rectangulaires inscrivant l'histoire de l’institution.

Juste au-dessous de GW, deux mots sont sculptés métalliquement : Professor’s Gate. Je ne sais pas s'il s'agit de l’entrée principale ou d’une porte dont l’accès est limité aux enseignants.

Je marque une pause devant le tableau saisissant. Un paysage qui a longtemps habité mes rêves virtuels. Aujourd'hui, il se matérialise et j'en fais partie : mon âme se fond dans chaque détail et mon corps ne s’est jamais senti aussi réel, comme si trouvant enfin son lieu d’ancrage. Je m'arrête quelques instants, ému devant le témoin silencieux de la réalité de mes rêves. Ici, à Washington University, la volonté est la boussole qui oriente mon esprit vers des horizons autrefois contemplés à travers un écran.

Quelques minutes plus tard, je me faufile entre les étudiants. Tous les espaces sont occupés, animés par des mini groupes dispersés çà et là.

Huit heure quinze, je suis devant Phillips Department, comme indiqué dans le message sur mon téléphone. Je monte les escaliers, sans y trouver un troisième étage. Le bâtiment est construit sur deux étages. Je cherche quelqu'un pour demander de l'aide mais cette partie du campus est presque vide. Je quitte les lieux vers le centre pour plus de chance.

Une fille aux yeux asiatiques, pressée par le temps dans un rythme de marche accéléré. Elle court presque !

–  Ah oui le département de la sociologie ! Ce n'est pas ici. Il est juste à côté de Kelman Library, dit-elle en s'arrêtant à peine.

Je me sers de mon flyer pour atterrir devant la librairie indiquée. En arrivant j'entre dans le département d'à côté. Une secrétaire m’accueille au troisième étage et me dit que je ne suis pas dans le bon endroit, tout en m'indiquant un itinéraire plus compliqué encore.

En cette journée tumultueuse, il faudrait de l’audace pour demander de l’aide sur mon passage. Tout le monde est prêt à tout pour atteindre leurs objectifs, mais donner de leur temps n’est pas une option.

8h 45 minutes :

– Mais oui c'est juste en face de Phillipe Hall ! Je dois raccrocher, y a des flics.

Je reviens sur mes pas en entrant cette fois ci dans le département d’en face. Je suis content d’avoir conservé le numéro de Noah sur mon répertoire. Cet homme est visiblement mon sauveur.

A l’intérieur, une petite pancarte indique deux ascenseurs : un pour le service des étudiants, un deuxième pour l’usage du staff administratif et enseignant.

La porte de l’ascenseur s’ouvre et je m’apprête à m’y engouffrer. Je tente un bonjour resté sans réponse à une étudiante qui semble trop absorbée par son appel téléphonique.

– Voilà, j'ai trouvé quelqu'un… Comment ça ? Mais...

Deux minutes après les lumières s’éteignent !

PDV de Darla :

– Gare-toi à côté s'il te plaît, je vais me débrouiller.

– Mais non, je te raccompagne, arrête d’insister.

Des appels incessants sur mon téléphone augmentent mon irritation. Je filtre ceux qui me semblent sans intérêt. Et la touche qui a couronné le tout ? Mon vol de New York a été retardé de trois heures. Dès mon arrivée à l’université, je serai accaparée sans nul doute. Il ne reste que quelques minutes pour la cérémonie et les préparatifs ne sont pas soigneusement achevés. Le nom d'Olivia s'affiche sur mon écran, c'est ma secrétaire. Elle ne m'appelle sur ce numéro qu’en cas d’urgence. Pauvre Olivia, en mon absence elle doit subir tout le stress à ma place.

– Harris !

– Miss Darla, le ministre de la culture est dans votre bureau.

– Je suis sur le point d’arriver, invente n'importe quelle excuse !

– Entendu.

Un cauchemar se manifeste : le feu devant moi vire au rouge juste à mon approche. Ladona se détache de son siège, dépose un bisou sur le coin de mes lèvres et ouvre la portière.

– Je t'appelle ma chérie, lancé-je machinalement toujours au téléphone.

Somme toute, je ne peux pas la raccompagner à la maison !

Arrivée à la faculté, je me gare juste devant le département, pas le temps pour le parking.

– Il n’y aura que trois prix cette année...

– Le doyen est passé ce matin pour ajouter deux autres prix, au nom des frères Wilson.

Je grogne de mécontentement. De quel droit les politiciens se mêlent-ils de notre sélection des candidats ! Mon mari de surcroît est le premier concerné.

Les deux thèses des frères Wilson ne méritent pas d'être validées encore moins d'être honorées devant tout le monde ! Pas de passe-droit pour les fils du maire, la crédibilité de la faculté est en jeu et sa notoriété aussi.

J’emprunte le couloir des étudiants pour éviter de rencontrer qui que ce soit. Un jour de rentrée pas comme les autres, marqué par la présence de quelques dignitaires. Aucune envie de leur serrer la main un par un. Je prends l’ascenseur des étudiants, de toute façon je n'ai pas mon badge sur moi !

–  Mes stagiaires ont-ils signé les documents en ligne ?
– Oui madame, sauf M. Andaloussi, il n'est pas encore enregistré sur la plate-forme.

– Appelez-le ! Nous n'avons pas de temps à perdre.

*****

Sans couper le contact avec Darla, Olivia passe un deuxième appel après avoir cherché le numéro sur sa base de données, une voix perplexe au bout du fil :

– M. Al Andaloussi, je vous contacte du département de sociologie Rome Hall. Je vous prie de confirmer votre inscription sur la plate-forme.

– Je serai présent dans deux minutes. Désolé pour le retard, je me suis égaré en arrivant.

– Olivia, je passerai par l'ascenseur des étudiants, j'ai oublié mon badge. C'est quoi le code ? Ah voilà j'ai trouvé quelqu'un à l’intérieur, j'arrive.

– Mais non madame, attendez, cet ascenseur est en panne !

Coup de fil interrompu avant de dire le dernier mot...

Miss DarlaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant