Chapitre 1 - Le Carrière

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JULIAN :

Mon poing heurta avec force le sac de sable accroché au plafond de ma petite maison de pêcheur, et je senti les muscles de mon bras tressaillir sous l'impact. Demain, arrivera l'instant fatidique. Ce pour quoi je m'étais entraîné toute ma vie, le moment tant attendu et redouté à la fois se déroulera demain matin, sur la grande place du district. Cette même place, d'où, chaque matin, durant mon footing, je contemplais les vagues écumantes s'écraser sur le rivage. La mer est fascinante. Fascinante, mais dangereuse. Je ne l'ai jamais aimée, me contentant de la contempler dans une admiration craintive. Je crois que je ne pourrais jamais être pêcheur comme mon père. Je me contentais pour l'instant de revendre les poissons qu'il ramenait lors de ses excursions quotidiennes en mer, sur le vieux chalutier familial nommé Le Trident Mortel. Notre petite entreprise familiale fonctionnait plutôt bien, puisque nous avons un toit plus que convenable, de quoi manger à notre faim et se vêtir correctement. Les rôles étaient très simplement répartis : mon père pêchait ce qu'il trouvait en mer, puis je m'occupais de préparer la marchandise et de la vendre. Mes journées n'étaient pas de tout repos, puisque je suivais à côté de cela un entrainement intensif, tout cela dans le but de me porter volontaire pour participer aux Hunger Games, lorsque mon entraînement sera abouti et que je serai prêt à affronter les dangers de l'arène. Cette année, mon père avait estimé que c'était mon tour. Âgé de 16 ans, j'allais côtoyer dans l'arène des enfants âgés de 12 à 18 ans. Enfin, côtoyer n'était pas vraiment le bon mot. Assassiner ou affronter à mort semblaient plus adéquats afin de décrire la violence et l'horreur des Hunger Games. Violence dans laquelle je serai bientôt plongé. Depuis toujours, je savait que je participerai aux Jeux. Mon père souhaitait plus que tout voir son fils triompher et rapporter argent et gloire dans notre district, le district 4. Je ne m'étais jamais plaint. Mon destin semblait scellé, pourquoi s'épuiser à s'y opposer ? Puis je revis les yeux larmoyants de Marina, ma grand-mère, et les dernières paroles qu'elle m'avait adressées avant de rendre son dernier souffle : "N'y vas pas, Julian, je t'en supplie. N'écoute pas ton père, cela ne t'apportera que la mort, où d'être hanté à jamais. Ton âme est bonne, je le sais. Ne le laisse pas te corrompre." Elle avait prononcé ces mots dans un souffle rauque, difficile. C'était il y a 3 ans et depuis, je ne cessait de penser à la chaleur et la tendresse qui émanait de ses yeux bleus, et à la douceur de sa voie lorsqu'elle me contait de vieilles histoires sur l'ancienne civilisation, alors que nous étions confortablement installés dans des transats sur la terrasse de notre petite maison. Marina ne s'était jamais vraiment entendue avec mon père. Lorsque ma mère, sa fille a trouvé la mort il y a de cela 14 ans, en mer, alors qu'elle accompagnait mon père lors d'une excursion de pêche, elle avait immédiatement rejeté la faute sur lui. Elle désapprouvait également mon inévitable participation aux Hunger Games, ce qui contrariait énormément mon père. Quand à ma mère, je n'avais aucun souvenir d''elle. Pourtant, il m'arrivait souvent de contempler la photo qui trônait dans une magnifique cadre en pierre sculptée, posé au milieu du salon, où l'on nous voyait tous les trois : mon père, ma mère et moi. J'avais à peine plus d'un an, et j'étais dans les bras de ma mère, riant aux éclats. Ma mère semblait être une très belle femme : elle avait les mêmes yeux que Marina, ceux dont j'avais hérité. Ils étaient d'un bleu profond, par endroits plus clair et par d'autres plus foncés. On voyait dedans la fureur de l'océan un jour de tempête, mais également la clarté de la grande étendue calme, un jour ensoleillé. Contrairement à mon père, elle possédait une chevelure d'une étonnante couleur de jais, ce qui était plutôt inhabituel pour un habitant du district 4. Sur la photo, mon père semblait plus heureux qu'aujourd'hui, il avait les traits détendus et sa bouche se relevait en un sourire. Ses cheveux blonds, abimés par le sel et le soleil, étaient décoiffés, sûrement à cause de la brise qui soufflait habituellement sur les côtes. A présent, mon père ne souriait que très rarement, et les années de labeur ainsi que la perte de sa femme avaient creusé de profondes rides sur son visage. Mon père ne l'avait jamais avoué, mais je savais qu'une partie de lui n'arrivait pas à démentir les propos de Marina : il se sentait terriblement responsable de la mort de ma mère. Cette culpabilité le tuait à petit feu, je le sentais. Raison de plus pour moi de participer aux Jeux, et de les remporter. J'étais sûr que ma victoire insufflerai une nouvelle envie de vivre dans le cœur de mon père. A nouveau déterminé, je repris mon entraînement : je choisis quelques couteaux dans le grand coffre à armes posé au fond de ma chambre, je me positionnai face à la plus petite cible accrochée au mur, et je lançai d'un geste vif et précis le premier couteau. En plein dans le mille. J'enchaînai ensuite rapidement avec les autres couteau, qui se fichèrent tous dans le rond du milieu. Le lancer de couteau était un de mes points forts, contrairement au trident. C'était assez paradoxal pour un Carrière du district 4. Les autres excellaient au trident, et mon anomalie avait participé à m'exclure de leur petit groupe d'adolescents prétentieux et sans cervelle. Malheureusement, leur présence était contrariante car comme ils se porteront également volontaire demain - le jour où les tributs seront désignés pour participer aux Hunger Games, le jour de la fameuse Moisson - il y aura un tirage au sort entre les Carrières. Ainsi, ma place aux Jeux n'était pas assurée.

Le soir, au dîner, mon père ne parla pas. Il gardait les yeux fixés sur son assiette de poisson salé et de céréales, et évitait soigneusement tout contact visuel avec moi. Cette attitude me mettait mal à l'aise, d'autant plus qu'elle était inhabituelle. Mon père n'était pas très loquace, mais le dîner représentait normalement pour nous l'occasion de parler de mon entraînement, de ses pêches ou encore de notre futur lorsque j'aurais gagné les Jeux et que je serai reconnu dans tout Panem. C'était le moment où il s'ouvrait le plus à moi, où je le sentais détendu et presque heureux malgré l'absence de ma mère. Je compris alors que il était angoissé. C'était lui qui m'avait poussé à participer aux Hunger Games, alors pourquoi avait-il peur maintenant ? Regrettait-il ? J'espérais que non, car je puisais depuis toujours ma motivation et mon courage pour me porter volontaire dans la détermination sans failles de mon père. Ce soir, pour la première fois de ma vie, je fut saisi d'un terrible doute : avais-je vraiment envie de participer aux Hunger Games ?

Les 72èmes Hunger Games - Julian et  HannahWhere stories live. Discover now