Chapitre 8

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Les pieds sur la table basse, je tourne une autre page de mon manga et ricane en lisant la scène. Mes yeux vadrouillent d'une case à l'autre avec lenteur. Je détaille chaque émotion dessinée, chaque élément de décor, chaque trait, chaque réplique.

Depuis quelques années, c'est plus fort que moi. Mon cerveau se sent obligé de tout analyser, réfléchissant à ce que l'artiste que je suis aurait fait à la place de l'original et apprenant des techniques des autres. Parfois, c'est fatiguant d'agir ainsi, ne pouvant pas profiter de ma lecture comme n'importe qui.

— Il te plait ? m'interroge Dante.

Je relève les yeux de mon bouquin et les pose sur lui. Assis dans la même position que moi mais sur mon canapé, il lit lui aussi. Depuis son arrivée dans mon appartement avec son carton, il y a un peu plus de deux semaines, il passe régulièrement les soirs après son boulot. Nous dînons ensemble tout en discutant littérature et quotidien puis nous nous plongeons chacun dans un livre comme nous sommes en train de le faire.

Au début, cette invasion de mon espace personnel m'a un peu irrité mais aujourd'hui, j'apprécie presque entendre la sonnette de la porte annonçant son arrivée. Comme je l'avais dit à Céleste, il a fini par me plaire. Puis il avait raison, nous avons pas mal de points communs à mon plus grand étonnement parce qu'il doit avoir une personnalité aux antipodes de la mienne.

— Ouais. Les dessins sont vraiment magnifiques et l'histoire est un bon équilibre de... tout. Il y a de l'humour, de l'amour et de l'amitié avec la petite pointe de clichés qu'on adore.

— Vraiment ?

Dante a réussi à dégoter un yaoi que je n'avais jamais lu. Il a presque sauté au plafond quand je lui ai dit. Je venais de faire de lui l'homme le plus heureux du monde.

— Faut faire une croix rouge sur le calendrier, s'écrie-t-il, les bras en l'air en signe de victoire.

— Pourquoi ?

— Parce que tu n'as dit aucune critique. C'est... incroyable, improbable !

— Mais... tu... Quoi ? bafouillé-je, choqué.

— À chaque fois que tu lis un bouquin, il y a toujours quelque chose qui ne va pas.

— Pas toujours !

— Si, confirme-t-il en lançant doucement son roman sur la table basse.

Il se lève et rejoint la cuisine. Comme l'homme à l'aise partout où il se trouve qu'il est, Dante a vite pris ses habitudes ici. Maintenant, il agit comme s'il était chez lui et ne me demande pas pour boire un verre. Mais il n'a jamais dépassé les limites en ne mettant pas les pieds dans mon atelier. Il ne m'a jamais demandé à y entrer. Je ne sais pas si c'est Céleste qui l'a prévenu ou s'il l'a compris tout seul mais en tout cas, il laisse mon univers tranquille.

J'en profite pour réfléchir à ce qu'il vient de me dire. C'est vrai que je décortique tellement les dessins et le scénario que je trouve souvent des détails qui ne me plaisent pas trop. Je lui dis à chaque fois mais ce n'est pas pour ça que je n'aime pas mes lectures. Je referme mon manga et attends qu'il revienne pour ne pas à avoir à crier. Il réapparaît avec deux cafés et je souris à cette attention. Il m'en tend un, je le remercie puis lui explique :

— Aucun texte n'est parfait. Comme personne n'est parfait.

— Mais tu écris des livres ? Alors ils sont...

— Imparfaits ! Une œuvre est aussi imparfaite que son artiste. Parfois, ça peut même être ça qui lui donne tout son charme.

Dante, sa tasse entre les mains, hoche la tête à l'écoute de mes mots.

In the starsWhere stories live. Discover now