Les débuts

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Dès qu'elle fut rétablie de son douloureux accouchement et qu'il était sûr pour elle de sortir sans risquer sa santé, Mahidevran fut convoquée par Hafsa. C'était un passage nécessaire où elle allait enfin être désormais acceptée par la dynastie, mais aussi devoir être davantage attentive au fonctionnement du harem.

L'éducation qu'elle avait reçue aurait suffi si elle avait épousé un pacha, mais pas dans le cas où elle serait mère d'un sehzade ou d'une Sultana.

Heureusement, Hafsa était une femme neutre qui ne favorisait aucune des concubines de Suleiman, ce qui fait qu'il n'y aurait aucun problème à ce qu'elle comble certaines de ses lacunes.

Mahidevran demanda à une de ses kalfas de confiance Aylin de lui apporter Mustafa. Elle était contente d'avoir avant sa grossesse su développer certains liens de confiances avec certains membres du harem, bien que leurs allégeances aillent d'abord vers Hafsa et le Sultan Selim.

Le Sultan Selim... Mahidevran en avait peur tout comme Yasemin Hatun et Hubeh Hatun. La seule chose en commun dont elles seront d'accord est qu'elles espéraient que le Sehzade Suleiman devienne vite Sultan, car s'il devait être exécuté sur suspicion , leurs fils, également, le seront. Quant à la fille de Hubeh Hatun, Raziye Sultan, elle n'aurait pas le droit à un mariage digne de son rang.

La jeune mère prit son lion dans ses bras et se dirigea pour rencontrer Hafsa.

Une fois arrivée devant ses chambres, Mahidevran prit une grande inspiration pour se donner du courage avant d'entrer. Elle inclina respectueusement sa tête et attendit que Hafsa lui fasse signe pour qu'elle la relève.

« Mahidevran, dit-elle en souriant, je suis contente de voir que Mustafa se porte bien ».

- Merci beaucoup, Hafsa Hatun, répondit la jeune mère.

Hafsa l'autorisa à s'asseoir d'un geste de la main avant de reprendre la parole :

« Mahidevran, tu auras plus de privilèges, mais désormais plus de devoirs. Ton premier rôle comme tu t'y attends est de guider Mustafa pour en faire un digne Sehzade. Bien sur ce ne sera pas une tache facile au début et c'est pour ça qu'il te faudra choisir la bonne gouvernante ».

C'est à ce moment-là que Mahidevran se décida de lui soumettre la requête qu'elle avait en tête depuis qu'elle était tombée enceinte. Elle avait peut-être une chance que Hafsa l'accepte.

- Veuillez m'excuser, je sais que vous avez beaucoup d'expérience et des conseils bénéfiques, mais j'aimerais élever moi même Mustafa sans gouvernante, demanda Mahidevran.

- Mahidevran, je ne sais pas quoi en penser, répondit Hafsa en écarquillant les yeux. C'est une tradition à ce qu'un sehzade soit élevée par une gouvernante. Qui plus est, ça ne peut être que bénéfique, tu pourras y acquérir plus d'expérience et d'aide.

- Je le sais bien, mais en passant plus de temps avec lui, je pourrais mieux remplir mes devoirs vis à vis de Mustafa.

Après un temps d'hésitation, Hafsa soupira et prononça ses mots suivants :

« Je vais devoir en parler à mon lion, dit-elle, mais il ne verra sûrement pas d'inconvénients à ce que Mustafa passe moins de temps avec la gouvernante et plus avec toi. Mais il devra quand même en avoir une, Mahidevran ».

Mahidevran acquiesça, même si elle était mécontente que son souhait n'était pas totalement exaucé, elle savait qu'elle ne pouvait pas en demander plus. Elle continua à écouter les conseils de Hafsa avant de prendre congé d'elle. Toutefois, avant de partir elle demanda des nouvelles de Hatice Sultan. Elle venait de perdre son mari exécuté par le Sultan Selim. Cela avait choqué une partie du harem, car le mari de Hatice a été un allié de la première heure du Sultan Selim , sans lui, il n'aurait peut-être pas gagné la guerre civile contre son demi-frère le Sehzade Ahmed et son père le Sultan Bayezid. Qui plus, est Hatice était une de ses filles préférée. Mais une fois qu'un pacha ou un vizir décevait le Sultan Selim ou échouait à sa tache, il le faisait exécuter. Le mari de Hatice n'avait pas fait exception à cette règle.

- Hatice est encore dévastée, expliqua tristement Hafsa. J'espère de tout cœur qu'elle va commencer à se rétablir pour le bien être de ses enfants.

- Je prierais pour Hatice Sultan, fit Mahidevran doucement.

Après s'être assurée d'avoir eu la permission de s'être retirée, la jeune fille décida de se reposer un peu dans sa chambre avant d'aller de se promener dans les jardins du palais pour essayer de s'apaiser l'esprit. Elle aurait vraiment voulu entièrement s'occuper de Mustafa elle-même, elle sentait qu'elle en était capable. Qui plus est, son fils aurait besoin de beaucoup d'amour pour essayer d'être heureux dans cet endroit, mais aussi de bons conseils pour rester en vie. Et elle n'arrivait pas à faire confiance entièrement à quelqu'un sur ce domaine-là.
Perdue dans ses pensées, elle n'entendit pas correctement Aylin et lui demanda de se répéter.
« Mahidevran Hatun, excusez mon impudence, mais je me disais que dans le fond ce ne serait pas si mal que le sehzade Mustafa passe plus de temps avec sa future gouvernante. Vous y gagnerez une alliée et vous aurez tout le temps nécessaire pour élargir vos partisans, dit-elle, car je pense que vous en aurez besoin ».
- Que veux-tu dire par là, demande la jeune mère en haussant un sourcil ?
- Mahidevran hatun encore une fois excusez mon impertinence. Mais le sehzade Suleiman vous a donné moins de cadeaux à la naissance de Mustafa et votre salaire est toujours parmi le plus bas par rapport à Yasemin Hatun et Hubeh Hatun. Peut-être faudrait-il enfin à songer à entrer dans ses bonnes grâces et à avoir des relations amicales avec lui. Avoir son support serait un soutien de poids.
Le premier réflexe de Mahidevran aurait été de lui demander de quel droit pouvait-elle être aussi impertinente. Puis il était claire que sa réflexion avait le mérite d'être pertinente. Mieux valait un conseiller brutale mais honnête qu'un flagorneur incompétent.
Mais après réflexion Mahidevran se décida de balayer cette pensée.
« Je vois où tu veux en venir, répondit la jeune fille, mais si ta pensée a du mérite, je pense que l'on peut aisément détourner ce problème. Les mères du Sultan Bayezid et du Sultan Selim n'étaient pas aussi dans les bonnes grâces du Sultan. Cela n'a pas empêché leurs fils de devenir des dirigeants à leurs tours. Non, l'essentiel est de s'assurer que Mustafa devienne un sehzade très compétent et je préfère m'en assurer moi-même. De plus, le Sehzade Suleiman ne me semble pas injuste contrairement à son grand-père. Il sait ce que c'est et il traitera également ses fils et il est quelqu'un de bien. Hafsa Hatun est une femme neutre aussi et ne fera aucun favoritisme. L'essentiel est donc de se concentrer sur l'éducation de mon lion ».
Leur conversation bien qu'en prime abord inoffensif, était très dangereuse surtout dans cet endroit bien qu'essentiel. C'est pour cela que Mahidevran et Aylin sa plus fidèle kalfa parlaient doucement et s'assuraient que personne ne les entendait.
Elles furent cependant obligées de se taire quand elles virent Yasemin Hatun , son fils le sehzade Mahmud ainsi que sa suite de kalfas. Quand les deux mères se virent, elles se figèrent avant de se regarder pleine de défiance l'une envers l'autre. Mahidevran le savait, désormais, elles étaient ennemies et ce serait le cas pour Hubeh Hatun si elle donnait naissance à un fils.
Quand elle vit le petit Mahmud être joyeux et si insoucieux, elle commença à se sentir coupable. C'était une telle horreur d'imaginer qu'un jour cet enfant si innocent devrait mourir à cause du fratricide. Puis elle secoua la tête, la jeune mère devait s'interdire de tels sentiments si elle voulait que son fils survive.  

L'incroyable et tragique destin de MahidevranWhere stories live. Discover now