Chapitre 1

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Pour la première fois de son existence, il ressentait la douleur. Il put définir ces étranges sensations comme telles, car il se souvenait de tous les symptômes décrits par Maître Aizen. Le corps qui préfère abandonner plutôt que combattre, la tête qui semble être enfermée dans un casque hermétique, les membres engourdis, les épaules lourdes et tous les ligaments, les muscles et les tendons des articulations qui ne fonctionnaient plus.

Ulquiorra souffrait, du bout de ses doigts jusqu'à ses orteils. Il ne sentait plus ses coudes, ses genoux et ses chevilles, et se maudit de se tenir en position allongée. Comment réussirait-il à se relever seul dans cet état ? La vue. Son rythme cardiaque s'emballa une nouvelle fois. Ses yeux... Non, ils étaient encore enfermés. Cependant, pour quelle raison ses paupières paraissaient-elles si lourdes ? Il décida soudainement de les ouvrir, et se retrouva face à un plafond blanc, neutre, insipide.

Il essaya de tourner sa nuque, et sentit subitement une main fine et légère l'aider. Une jolie jeune femme aux longs cheveux noirs fins l'accompagnait dans ses mouvements. Comme Orihime, son visage n'exprimait que de la bienveillance et de la bonté, son regard n'exprimait que de l'empathie et elle était vêtue d'une longue tenue blanche. En réalité, d'une large blouse et d'une jupe évasée, aussi immaculées que sa peau.

Ulquiorra essaya de parler, mais seulement un grognement émana de ses cordes vocales. Le goût du sang. Pourquoi était-il vivant, alors qu'il se souvenait parfaitement de son dernier souffle devant Orihime ?

-        « Bonjour Ulquiorra. Je m'appelle Yakushi, et j'appartiens à la Quatrième division de la Soul Society, consacrée aux traitements des blessés. Je suis la guérisseuse qui vous prodigue tous les soins depuis qu'Orihime Inoue vous a sauvé du Hueco Mundo. Sachez que vous êtes sain et sauf maintenant. ». Sa voix était aussi douce que celle d'Orihime. Or, cette jeune femme était au premier coup d'œil assurément différente. Sa posture bien droite, sa force de caractère et son aplomb dans ses propos dissuadèrent immédiatement Ulquiorra de ne pas l'interrompre, et notamment de ne pas la contredire. « Vous pouvez me solliciter jour et nuit sous la seule condition de ne pas être désagréable. Je vous laisse à présent vous reposer. N'hésitez pas. », conclut-elle en serrant fortement le drap sous le matelas.

Bien que les informations de Yakushi étaient limpides, Ulquiorra sentit tout de suite que son esprit s'embrouilla. Soul Society, guérisseuse, Orihime, sauvé du Hueco Mundo, sain et sauf. Il s'était pourtant vu mourir, redevenir poussière mais... Et si la main d'Orihime avait stoppé le processus ? Ulquiorra essaya de bouger les doigts de sa main droite. Il les sentit tous, sauf l'auriculaire.

-        « Femme. ». Il regretta aussitôt ses paroles. En effet, Yakushi s'était présentée à lui sans aucune appréhension, ni peur ou préjugés. Néanmoins, elle ne se retourna pas pour autant vers lui, sa main encore posée sur la poignée de la porte coulissante. « Je ne te croirai que si tu m'amenais Orihime. ».

Il aurait prêt à parier que Yakushi se transformerait en une créature aussi démoniaque que lui, résultat de l'imagination dégoûtante (immonde, répugnante) d'Aizen pour tester une fois de plus la résistance mentale de ses Espadas, mais Yakushi fournit à Ulquiorra une réponse qu'il n'attendait pas :

-        « Pour la dernière fois Ulquiorra, mon prénom est Yakushi. Toutefois, j'accepte votre requête. Orihime sera à vos côtés dès le lever du soleil. Enfin, je vous répète que si vous avez besoin de quoi que ce soit, je me tiens à votre service. Reposez-vous, et je vous recommande de ne pas trop vous questionner à propos d'enjeux qui dépassent nos rangs. Je possède les réponses à vos interrogations. Bonne nuit. », expliqua-t-elle en disparaissant derrière la toile transparente.

Qui était cette femme ? Son affectation auprès de lui était-elle volontaire ou subie ? Pour quelle raison ne se trouvait-il pas dans l'une des cellules les plus profondes de la prison la plus surveillée de la Soul Society ? Et surtout, quel était le nouveau sens de son existence ?

Ulquiorra voulait, exigeait des explications, et il savait que seule Orihime pourrait lui fournir des renseignements dont il était certain qu'ils soient véridiques. Parce qu'ils sortiraient de la bouche honnête d'Orihime.

Sincérité. Cœur. Sentiments, ressentis, sensations, saveurs... Quelle était l'origine de cette confiance envers Orihime ? Ulquiorra ne préféra pas s'étendre sur ce sujet. Toutefois, d'une décision inexplicable, il tourna la tête avec les dernières forces qui lui restaient et découvrit avec stupeur un petit papier plié en quatre parties.

Combien de temps s'écoula entre le moment où Ulquiorra réussit à dégager son bras de celui où il le tendit, récupéra le mot et le lut ? Il s'en contrefichait. Parce qu'il aurait pu reconnaître entre mille autres la fine et petite écriture :

« Ulquiorra... Te souviens-tu de tes dernières paroles que tu m'as adressées ? Permets-moi de te les retranscrire : « Femme, as-tu peur de moi ? Oui, je vois. Alors, c'était donc ça ? Cette main tendue. C'est ça le cœur. ». Oui Ulquiorra, le cœur est cette main tendue, cet espoir. Ne le gâche pas avec Yakushi, je t'en prie. De fait, les liens et les relations purs entre les personnes sont si rares maintenant... Tu peux lui accorder ta confiance, car cette magnifique et talentueuse femme est devenue en quelques semaines l'une de mes amies les plus précieuses. Profite de ses soins qui sont les meilleurs. Prends bien soin de toi. Orihime. ».

Pour la première fois de sa vie, une larme naquit dans le coin de l'œil d'Ulquiorra, et coula le long de son nez, puis se perdit logiquement sur ses lèvres. Une tempête se déclencha dans sa poitrine, et il préféra lâchement perdre connaissance plutôt que d'affronter l'une des batailles les plus difficiles : accepter les jolies émotions.

Ulquiorra SchifferWhere stories live. Discover now