Alive

HUIT

— Ah... OK.

Je pensais pouvoir éviter de me mettre en maillot, mais à l'évidence, j'avais mal calculé mon coup.

Tyler s'avance dans le groupe et commence à discuter avec Connor et Scott. Je vois les filles se mettre à mon niveau.

— Il t'a dit quoi Tyler ? demande Joy.

— Euh... rien.

— Tu veux pas nous dire ?

— C'est pas ça, il m'a juste rien dit de spécial.

— Je ne savais pas que vous vous parliez, lance Ally.

— On se parle pas, en fait, mens-je.

— Pourtant il avait l'air de parler avec toi comme s'il en avait l'habitude, continue Joy.

— Il doit faire ça avec tout le monde.

— Et... il t'intéresse ? lâche Ally.

Je manque de m'étouffer avec ma propre salive.

— Ah non, pas du tout. Ce n'est pas mon genre.

— C'est le genre de tout le monde, fais pas semblant, rigole-t-elle.

Je hausse les épaules, observant discrètement le dos de Tyler. C'est vrai qu'il est très beau, mais envisager quoi que ce soit avec lui m'est tout bonnement ridicule. Amitié et amour ne sont clairement pas dans mes objectifs.

— Il a sûrement déjà une fille en vue, de toute façon, intervient alors Hailey d'une voix amère.

— Comment ça ? demande Ally.

— Bah celle de tout à l'heure. Il est secret comme ça que quand il a une copine, crois moi.

J'ai envie de dire que ça n'a aucun rapport, mais ça viendrait à tout expliquer, donc je me tais.

— T'es jalouse, Hailey ? se moque Joy.

Je la vois virée au rouge vif. Visiblement, elle a le béguin pour Tyler.

— Pas du tout.

— T'es grillée, de toute façon, renchérit Ally.

— La ferme !

Ally et Joy ricanent, et Hailey enfouit son visage dans ses mains, gênée mais amusée.

Elles partent sur un autre sujet de conversation. Je reste donc au milieu des filles, à vagabonder dans mes pensées. Ça faisait longtemps que je n'avais pas « fait partie » d'un groupe. Le visage souriant d'April me revient brusquement en tête. C'était ma meilleure amie, depuis tellement d'années... Mais je l'ai perdue au moment où j'ai perdu la vie. Moi aussi, j'ai perdu la vie dans cet accident. J'ai perdu ma vie, j'ai perdu mon âme.

Nous passons près d'un jeune homme, qui attire mon attention. Je n'ai pas vu nettement son visage, mais il me dit quelque chose. Je me retourne, et lui aussi au même moment. Je suis à deux doigts de la crise cardiaque quand je croise son regard. Il s'approche de moi, je reste immobile, sous le choc, toute tremblante. Tout le groupe s'est approché et me fixe avec des regards interrogatifs.

— Angie ? me lance ce garçon, pâle.

C'est Matt. Matt. Mais qu'est-ce-qu'il fait là ?

Mon passé vient de me revenir en pleine face, comme une violente claque atteignant le plus profond de mon être. C'est comme si tout revenait d'un coup, tous les souvenirs, toute ma vie, resurgissait. Il était comme mon grand frère.

Je reste muette pendant quelques secondes, tremblotante. Je pourrais m'écrouler sous le choc qui me transperce à cet instant.

— N-non, vous vous trompez. Je... je m'appelle Malia, fais-je d'une voix tremblante.

— Mais... vous vous ressemblez tellement...

Il approche soudainement sa main de ma clavicule, et je devine que c'est pour vérifier ma tâche de naissance. Je le bloque et fixe ses yeux bleus. Il sait que c'est moi. Il m'a reconnue. Je soutiens son regard quelques secondes, puis je lâche son poignet qu'il laisse tomber. Je détache mon regard du sien puis lui tourne lentement le dos et recommence à marcher en tremblant. Mes oreilles bourdonnent, je n'entends plus que le battement de mon cœur. Je vois trouble. C'est quand Hailey me bouscule que je retrouve mes esprits et que ma vue s'améliore.

— Ça va ?

— O-oui, balbultié-je.

— Tu le connaissais ? On aurait dit que tu voyais un fantôme.

Presque.

— Non non, mens-je. Je vais bien.

Elle me regarde, perplexe, puis nous nous remettons en marche vers le parking.

Je tremble toujours. Le revoir a tout bouleversé en moi, c'était beaucoup violent, beaucoup trop inattendu, imprévu. Je pensais, en fait, ne jamais le revoir. J'ai quitté New York pour ne plus jamais avoir à revenir dans mon passé, pour ne plus jamais avoir à regarder ma vie en arrière. Et avec lui, tout s'est imposé à moi, d'une manière fatale, destructrice. Mais pourquoi est-il là ? Pourquoi il a fallu, que parmi tous les endroits du monde, il vienne ici ?