Chapitre 01 - Les nouvelles du jour

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Lila claqua la portière de sa voiture et jeta sa sacoche sur le siège passager, envoyant valser gants en latex, barres chocolatées et autres ordonnances volantes. Elle regarda l'ambulance s'éloigner et laissa échapper un profond soupir de soulagement.

Un peu plus tôt, alors qu'elle se trouvait bien au chaud sous sa couette, elle avait été réveillée par un appel de Francis Lambert, ou plutôt Francis Pastis comme on le surnommait ici. En pleine crise d'hypoglycémie, le premier réflexe de ce patient diabétique avait été de contacter la personne qui s'occupait de lui au quotidien : son infirmière. En pyjama sous son manteau, Lila avait volé jusqu'à chez lui, appelé les secours et lui avait prodigué les premiers soins.

Francis habitait dans le centre ancien du village. Un étage séparait son appartement de la terrasse du bar, chez Tony. Il se vantait par ailleurs d'être l'un des clients les plus fidèles. Entre deux piqûres d'insuline, Francis lisait son journal, jouait à la belote, tout en commentant les allées et venues des habitants ou des quelques touristes égarés. Sa boisson anisée préférée en main, il y ajoutait un léger filet d'eau et deux glaçons. Son surnom avait été tout trouvé.

L'infirmière avait beau essayer de lui faire comprendre que la consommation d'alcool ne faisait pas bon ménage avec son diabète, l'avertissement rentrait par une oreille et sortait par l'autre. Mais cette nuit-là, ces mauvaises habitudes avaient bien failli lui coûter la vie. Si Lila avait réussi à stabiliser sa glycémie, le médecin du SAMU avait préféré le conduire aux urgences pour une observation plus poussée.

Elle connaissait pourtant les situations d'urgence, mais ce réveil en fanfare avait vidé la soignante. Cela faisait bientôt huit ans qu'elle exerçait son métier. Après quelques années au sein de différents services de l'hôpital, elle avait eu une opportunité de remplacer un infirmier à domicile proche de la retraite : ce fut une révélation.

Le contact avec les patients lui paraissait beaucoup plus intime et gratifiant que dans le milieu hospitalier. Ne pas avoir assez de temps à consacrer aux personnes souffrantes, courir de chambres en chambres et être mêlée aux guerres d'égo internes au service avait fini par peser trop lourd sur son mental. Son choix avait été vite fait.

La contrepartie pour exercer dans un village éloigné et déserté par les médecins était d'accepter d'être parfois réveillée au milieu de la nuit par un patient en détresse. C'était aussi d'être la seule personne capable d'être à son chevet avant qu'il ne soit trop tard. En tout cas, Lila s'en accommodait bien volontiers.

Il était temps de rentrer. L'aube pointait le bout de son nez et teintait le ciel de jolies couleurs pastel. Le village silencieux dormait encore. Seuls les mésanges et les rouges-gorges sifflotaient déjà entre les branches des hauts platanes. Leur chant se mêlait à celui de l'eau jaillissant de la fontaine, à l'angle de la rue.

La Fiat 500 traversa les ruelles étriquées jusqu'à rejoindre la route principale, en passant par le belvédère. Le balcon du midi, comme on l'appelait. On pouvait y admirer les monceaux de brume duveteuse déposer la rosée du petit jour sur l'herbe grasse de la vallée. Après le pont, elle se gara sur sa place habituelle, entre le réverbère et le portail du voisin.

Lila retrouva son appartement douillet et se prépara un petit déjeuner sans se presser. De toute manière, il ne restait pas suffisamment de temps pour qu'elle se rendorme avant le début de sa tournée. Elle poussa les bougies aux notes gourmandes de cannelle et de biscuits sablés afin de s'installer sur la table basse. Sur son plateau, fumait un mug fleuri rempli à ras bord de café noir. Elle y trempa quelques madeleines tout en regardant la chaîne de dessins animés. Hors de question de déprimer de bon matin devant les chaînes info qui rabâchaient sans arrêt que la fin du monde approchait !

Tu as pris ton tempsWhere stories live. Discover now