Introduction

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Christophe était assis à une table dans le fond du café. Il buvait une tasse de boisson chaude qui n'avait rien à voir avec l'odeur du chocolat que les gens aiment tant boire à l'approche des fêtes de fin d'année. Lui, en avait même horreur. Il préférait le café bien noir, sans sucre. Là aussi une horrible idée d'ajouter du sucre. Il disait toujours que ceux qui mettait du sucre dans leur café, ne savaient pas apprécier cette boisson à sa juste valeur, et pour lui, autant ne pas boire de café du tout. Ne parlons pas de tout ce qui est capuccino, café crème et latte. Les pires.

Il regarda sa montre. 17 h 34. Il avait rendez-vous avec des clients à 17 h 30... ils étaient en retard. Il finit son espresso et leva le bras pour en demander un autre à la serveuse, sans prononcer une parole. En deux minutes, la serveuse revint avec un café et récupéra la tasse précédente. Christophe répondit un bref merci sans lui accorder un regard, puis trempa ses lèvres dans la boisson bien chaude.

- Monsieur Lemaître ?

Il releva la tête et aperçut ses fameux clients.

- Ah bonjour Monsieur et Madame Belliot !

Il se leva de sa chaise et leur serra la main à chacun. Ils avaient tous deux 26 ans et faisaient bien plus jeune que leur âge. Malgré sa barbe épaisse, si bien entretenue qu'il devait probablement aller chez le barbier toutes les semaines, l'homme faisait à peine 22 ans. Ce jeune couple s'assit en face de Christophe.

- Voulez-vous boire quelque chose ? demanda-t-il.

- Je veux bien oui, un capuccino pour moi, répondit la femme.

- Et un double espresso avec un sucre, s'il-vous-plaît.

Ah bah tiens, ces gens ne doivent avoir aucun caractère. Ils aiment ce qui les réconforte, ils ne doivent pas prendre de risques. Christophe leva à nouveau son bras pour appeler la serveuse. Elle vint prendre les commandes et ne tarda pas à réapparaître avec les boissons.

- Bien, regardons les plans à présent.

Christophe sorti de sa sacoche posée à ses pieds, un dossier de couleur bleue. Il l'ouvrit et en sortit des plans de maison.

- Voici votre futur nid douillet ! dit-il enjoué, un sentiment qui de sa bouche ne semblait pas naturel.

Les yeux des clients brillèrent tout à coup, à la vue des papiers. Christophe leur expliqua les plans : Une maison sur deux étages, avec trois chambres, une cuisine équipée et ouverte sur une grande pièce à vivre, et de nombreuses ouvertures. Le terrain de cette future construction se situait dans une ville voisine à six kilomètres de là, avec transports et commerces à proximité. Le bien immobilier devrait être livré dans huit mois, car les travaux avaient déjà débuté. En réalité cette maison avait été vendue à de précédents acheteurs, mais en l'espace de trois mois après le début des travaux, ils avaient décidé de divorcer et avait abandonné leur projet. Pour revendre, Christophe avait donc baissé le prix. Par ce drame, il en devenait une aubaine pour Monsieur et Madame Belliot qui cherchaient à acheter avec un budget peu conséquent. Le rêve.

- Qu'en pensez-vous ? C'est une belle affaire, un produit rare, je ne pense pas que j'aurais bientôt un autre bien de ce type à vous présenter.

- C'est une très belle offre en effet, dit la femme. Pouvons-nous garder les papiers pour en rediscuter entre nous et nous vous recontacterons pendant les vacances ?

Le mari hochait la tête en accord.

- Oh pas de soucis, mais je suis en vacances dès ce soir, et je ne suis pas le seul promoteur sur le coup. J'ai des collègues qui vont travailler sur le projet et qui ont aussi leurs clients... je ne peux pas vous promettre de garder le bien pour vous. Vous risquez qu'il vous glisse entre les doigts si vous attendez trop longtemps, leur annonça Christophe.

Le couple eut l'air désemparé.

- Je dois aller aux toilettes, je vous laisse réfléchir un instant, je reviens.

Christophe se leva de table et se dirigea vers les cabinets, laissant le couple devant les plans et ce prix si attractif, si bas... un rêve. Lorsqu'il revint s'asseoir, l'homme et la femme se tenaient les mains avec un grand sourire. Christophe leur demanda sans attendre, leur décision.

- Vous avez raison Monsieur Lemaître, c'est une opportunité qui ne se représentera pas de sitôt, alors ma femme et moi allons signer cet achat dès maintenant !

Ils étaient tout heureux, un grand sourire aux lèvres.

- Ah voilà une bonne nouvelle ! Je vous sors de suite les contrats.

Christophe ouvrit le dossier bleu et en sortit tout un tas de documents. Il leur expliqua ce que disaient les textes, les lois et leur montra où signer. Le couple parapha chaque page du contrat de leur signature et de la date. Cela fait, Christophe récupéra les papiers et s'ensuivit un merci avec une poignée de main. Les amoureux terminèrent leur café trop sucré et se levèrent.

- Merci beaucoup Monsieur Lemaître !

- Oui merci et joyeux noël à vous ! dit Monsieur Belliot.

Christophe leur répondit avec un sourire, puis il regarda le couple s'en aller vers la sortie du café. Il jeta un œil à sa montre. 18 h 00. Il était temps de rentrer. Christophe rangea précieusement les documents dans le dossier bleu qu'il remit dans sa sacoche. Il but la dernière gorgée de son café bien noir et quitta le commerce. Heureux de la transaction et heureux d'être officiellement en vacances.

À l'extérieur, il eut un léger frisson. Il faisait froid, 2 degrés d'après la météo de son téléphone. Il referma bien son manteau avant de s'engouffrer dans sa voiture, garée juste devant le café. C'était une belle berline grise de marque allemande avec un grand écran tactile et un tableau de bord en bois d'acajou. De superbes finitions. Il démarra la voiture et la radio se mit en marche.

All I want for Christmas is youuuuuuu...

Il changea aussitôt la chaîne radio pour écouter les informations. France bleu.

- Dans trois jours c'est noël ! J'espère que vous avez déjà tous vos cadeaux de faits ... ! criait le présentateur dans son micro.

- Ah mais c'est pas possible ! bougonnait Christophe.

Il détestait noël. Tout comme sa femme, Carolle. Les gens qui se ruent dans les boutiques de supermarchés pour acheter des futilités, qui courent dans tous les sens, pressés. Ça les insupportait. À l'approche des fêtes, lui et sa femme trouvaient toujours d'autres plans que de fêter noël avec la famille. Ils n'avaient pas d'enfant, sa mère à lui vivait seule à 400 kilomètres de là et la famille de sa femme vivait à Lyon à une centaine de kilomètres d'Annecy où ils habitaient. Ils préféraient ne rien fêter du tout que de se déplacer et plaquer des sourires forcés pendant toute une soirée. Ainsi, chaque année, Christophe et Carolle partaient en voyage. L'année précédente, ils étaient allés en Irlande et avaient adoré la ville, les habitants et tous ces beaux paysages. Cette année, ils avaient choisi la montagne. Christophe en pur montagnard aimait beaucoup les randonnées. Carolle avait découvert cette activité avec son mari, à leur rencontre, elle avait plus l'habitude de la ville et du shopping à Lyon que des grandes montées dans le froid glacial. Aujourd'hui, elle suivait Christophe dans ses randonnées, elle appréciait être avec lui. Et cette fois, pour éviter le tumulte des fêtes de fin d'année, ils partaient dans les Alpes pour gravir quelques mètres. Le programme ? Monter durant 3 jours, avec deux nuits en refuge. Malgré leur train de vie agréable, belle voiture, belle maison, belle situation, ils étaient aussi habitués aux commodités moins luxueuses des refuges. Ils ne retrouvaient que mieux leur immense lit aussi grand qu'il pourrait y accueillir facilement quatre personnes.

Du sang dans la neigeWhere stories live. Discover now