- XXIV -

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Sirius - Eté 1980

Quatre mois que Sirius était à Poudlard.

Quatre mois, et Dorcas ne lui adressait toujours pas la parole. Il y avait du mieux, Sirius pouvait désormais l'approcher, la regarder, sans que la réaction primaire de la jeune femme ne soit de s'échapper. Quand le jeune Black lui parlait, Dorcas le contemplait de ses yeux embués de nuages, muette. La jeune femme restait désespérément silencieuse. Miss Pomfresh l'avait examiné rapidement : rien de cassé au niveau des cordes vocales. Dorcas ne pouvait simplement pas parler du fait d'un blocage.

Lorsque Dumbledore lui adressait la parole, la jeune femme répondait en hochant ou en secouant la tête. Mais Sirius ? Rien à faire, elle ne répondait pas.

Mais en ce jour de printemps, peut-être que cette situation allait changer. Car Dorcas allait recevoir de la visite. Pour la première fois depuis si longtemps, Lily, Dorcas, Alice et Mary allaient se retrouver, comme avant. Sirius fondait énormément d'espoirs sur cette rencontre.

Les trois sorcières arrivèrent à Poudlard la gorge nouée. Personne ne savait vraiment à quoi s'attendre. Sirius avait envoyé des hiboux à James pour le tenir au courant de la situation, mais ni Mary, ni Lily, ni Alice ne savaient exactement ce qu'il était arrivé à Dorcas.

Avant de voir leur amie, les trois jeunes femmes furent reçues par Dumbledore dans son bureau. Le directeur leur expliqua la situation. Miss Pomfresh pensait que, si Dorcas se retrouvait en présence d'amies, de personne avait qui elle partageait des souvenirs heureux, cela la stimulerait, voire même lui provoquerait un choc qui pourrait lui permettre de retrouver l'usage de la parole. Une lourde tâche incombait aux trois amies. Elles ne failliraient pas.

Elles trouvèrent Dorcas dans la Salle sur Demande. La jeune Meadowes faisait danser un carillon en le maintenant en l'air grâce à sa magie. Elle n'avait plus besoin de baguette, d'ailleurs. Elle pratiquait la magie à travers ses mains, murmurant ses formules magiques du bout des lèvres.

La rencontre fut manifestement un choc pour Dorcas. A la vue de Mary, Lily et Alice, ses yeux, d'ordinaire si embrumés, s'écarquillèrent de surprise. Alice et Lily, enceintes jusqu'aux yeux, ne savaient plus vraiment où se mettre. Alice fit un signe maladroit de la main. La vue de ses amies avait provoqué une réaction chez Dorcas. Ses joues avaient rosi, les lèvres étaient devenues un sourire. Dorcas s'approcha de ses amies, et les serra dans ses bras. L'étreinte dura longtemps, dans le silence.

Jusqu'à ce que Dorcas dise, d'une voix rauque :

- Merci.

Le miracle avait eu lieu.

Sirius apprit la nouvelle de la bouche de Mary. Cela lui faisait un choc de voir Dorcas si volubile, après l'avoir connue mutique pendant quatre mois. Bien sûr, le jeune Black était ravi de la nouvelle. Mais il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il n'avait pas pu réaliser le prodige si facilement accompli par Alice, Mary et Lily. Cela faisait mal à l'ego, il fallait bien l'admettre. Pourtant, même si Dorcas et Sirius avaient vécu des choses incroyables, pendant ses semaines à voyager à travers l'Irlande, ils avaient également vécu nombre d'événements traumatisants. Et Dorcas, d'autant plus qu'elle avait été prisonnière de Fawley pendant des mois. Cela aurait chamboulé l'esprit le plus sain du monde. C'était l'amitié de Lily, Alice et Mary qui avait permis à Dorcas de retrouver la raison.

La magie de Dorcas était devenue intense, concentrée. Dès que la jeune femme fermait les yeux, une aura particulière se dégageait d'elle. Un simple Lumos murmuré, une boule de lumière se formait instantanément entre les paumes de Dorcas. La jeune femme apprenait, minutieusement, à contrôler la puissance de sa magie. Sirius la regardait des heures durant, assise en tailleur face au lac, dans le parc de Poudlard, les paupières closes, murmurant des mots qu'elle seule pouvait comprendre, apprivoisant ses pouvoirs.

- D'où te viennent ces mots que tu prononces, quand tu crées ta magie, avait demandé Sirius, un soir ?

Dorcas avait haussé les épaules.

- C'est Rowena Serdaigle qui les souffle à mon oreille, je suppose.

Sirius ne savait pas très bien si Dorcas plaisantait ou non.


Le temps passait, et leur complicité revenait. Malgré tout, Sirius sentait qu'une barrière implicite les séparait. La jeune femme évoluait maintenant dans un univers invisible, où Sirius ne pouvait l'accompagner.

Mais ils ne pouvaient rester indéfiniment dissimulés à Poudlard, ils le savaient. Les rumeurs couraient le long des couloirs de l'école. Bientôt, les Mangemorts sauraient où ils se cachaient. L'hospitalité de Dumbledore ne serait pas éternelle. La magie de Dorcas devait être utilisée pour protéger les Moldus, pour protéger l'Ordre du Phénix. Elle devait être utilisée pour détruire Voldemort.

Il fallait mettre un terme à ce climat de terreur.

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Sept mois plus tard

Chez Patmol,

J'espère que tu vas bien. J'espère que depuis que nous nous sommes vus, tu as réussi à prendre ton mal en patience. Dumbledore n'arrête pas de nous répéter à quel point il est important de faire profil bas. A quel point nos vies sont précieuses. A quel point la patience est importante. Que le moment de l'Ordre viendra.

Mais je ne t'écris pas pour te faire la leçon, Sirius. Avec James, ici, à la maison, qui tourne en rond comme un lion en cage - un cerf, devrais-je dire, je ne peux m'imaginer quelle est ta situation. La situation est intenable, Sirius. Pour tout le monde. Mais depuis la mort des MacKinnon, nous vivons tous avec la peur au ventre. Tu sais à quel point Remus appréciait Marlene. J'ose espérer que sa nouvelle vie à l'ambassade du ministère à Taïwan lui apporte un peu de distraction. Moi aussi, j'aimerai être ailleurs. Loin de ce climat de terreur permanente. De disparitions inexpliquées, d'enlèvements, de gens retrouvés morts, les yeux crevés. J'aimerai tellement partir loin de tout cela, d'autant plus avec Harry. Tu le sais, il vient de fêter ses six mois. Sa présence occupe James. Rien de tel qu'un nourrisson pour s'occuper l'esprit. A vrai dire, James passerait presque plus de temps que son fils à faire des bêtises. J'espère que ce n'est pas trop la pagaille chez Alice et Frank, que le petit Neville est plus calme que Harry.

Quand je regarde mon fils, je ne peux pas m'empêcher de penser à quel point il ressemble à James, et au regretté Fleamont. Pour être tout à fait honnête, Sirius, je ne pense pas que James se soit remis de la mort de ses parents. Quel dommage qu'ils n'aient pas pu rencontrer Harry. Il leur ressemble tellement. Un vrai Potter ! Sauf pour les yeux. C'est James, le premier qui m'a dit : il a tes yeux, Lily. J'espère que d'autres me diront la même chose quand ils verront Harry. J'ai hâte de tous vous revoir.

Je t'en prie, Sirius, dis-moi que tout va bien pour Dorcas et toi. Les murs de Poudlard peuvent s'avérer être bien lourds à supporter. Mais ce n'est que temporaire. Notre moment viendra. Voldemort sera vaincu. Je t'embrasse, Sirius. Prend soin de toi. Lily.

La jeune femme souffla sur l'encre pour la faire sécher, avant de murmurer une formuler et de glisser la lettre dans l'enveloppe. Même les hiboux qui transmettaient le courrier étaient constamment épiés. Heureusement, la jeune femme avait mis en place un système de chiffrage des lettres, quasi impossible à percer à jour. La communication entre les membres de l'Ordre était indispensable. Il fallait se serrer les coudes.


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⏰ Dernière mise à jour : Dec 05, 2022 ⏰

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