Cependant, l'homosexualité était encore un débat très sensible. Je n'étais pas le seul à me chercher, à savoir qui j'étais réellement. Certains de mes camarades avaient eu le courage d'affirmer leur homosexualité, quitte à se faire harceler et taper dessus. Ils étaient fiers de qui ils étaient et je ne voulais plus me cacher à mon tour. J'avais peut-être choisi la mauvaise date pour le faire, mais comme on dit souvent ; mieux vaut tard que jamais.

Alors, quoi de mieux que de faire mon coming-out la veille de Noël ?

Je me revoyais dans ce cauchemar, assis sur le canapé de la salle de séjour aux côtés d'un feu de cheminée, dont le bois crépitait sous la pression des flammes. Mes parents étaient assis, chacun sur un fauteuil en face de moi, comme si je m'apprêtais à vivre mon dernier jugement - ce qui n'était en aucun cas une exagération de ma part.

Comme à mon habitude, quand je revivais ce souvenir, je me tenais dans l'encadrement de la porte, les bras croisés contre mon torse, à regarder le pauvre adolescent que j'étais, stressé et angoissé par l'aura froide et glaciale que mes parents dégageaient, en attendant que je prononce enfin un seul mot.

Avouer à ses parents que leur seul fils unique est homosexuel était quelque chose qui me paraissait insurmontable, mais j'avais besoin de me libérer de ce poids, de ce fardeau qui commençait à peser de plus en plus lourdement sur mes épaules. C'était épuisant de continuellement jouer un rôle, de se cacher derrière un masque qui ne me représentait aucunement sur les aspects personnels, juste pour rentrer dans les cases créées de toutes pièces par la société - et être un monsieur-tout-le-monde, pour ne pas être critiqué ou être rejeté par nos proches.

Toutefois, qu'en était-il de nous ?

Qu'en était-il de nos ressentis, de nos sentiments ?

De notre vie ?

Je ne voulais plus faire semblant, je ne voulais plus jouer au rôle du petit élève modèle, à ramener que des bonnes notes juste pour favoriser l'augmentation de l'égo et la satisfaction de mes parents, qui n'en avaient rien à foutre de mes sentiments. Ils ne s'en rendaient peut-être pas compte, mais les études n'étaient vraiment pas ma tasse de thé. Je préférais de loin la musique et j'avais toujours aspiré - au fond de moi -, à devenir l'un de ces musiciens à la renommée mondiale et vivre enfin de ma passion. Malheureusement, je ne savais que trop bien que ce rêve, que cette sublime passion était déjà vouée à l'échec, que c'était un milieu très difficile d'accès et que pour gagner sa vie, il fallait réaliser un certain nombre de ventes et avoir une reconnaissance internationale, si on voulait pouvoir vivre de notre rêve.

Alors, en dépit de mon souhait qui me semblait totalement inaccessible du bout de mes doigts, je me contentais de jouer de la guitare dans ma chambre et de chantonner mes écrits, qui étaient mes seuls échappatoires à ma vie, que je trouvais tristement misérable.

Le vingt-trois décembre était une date que je ne pourrais jamais oublier, car il m'était encore difficile de comprendre comment des parents qui ont désiré avoir donné la vie, peuvent en venir à frapper leurs enfants, leur chair et leur sang, à les insulter de tous les noms et les réduire plus bas que terre, juste parce que leurs progénitures sont fiers d'aimer une personne qui est du même sexe qu'elles.

Et il n'y a pas plus beau que le véritable amour dans la vie, et non celui qui est monté par de simples tissus de mensonges.

Je m'observais trembler de toute part - me souvenant que j'avais la langue et la bouche pâteuses à cause du stress - et prendre une grande bouffée d'oxygène, avant de prononcer ces mots, qui ont par la suite déclenché la fureur de mes parents :

- Papa, maman, je suis gay.

Sans même me répondre quoique ce soit, j'avais vu le regard de mon père se ternir de haine et de dégoût, se levant de son fauteuil pour s'approcher de moi d'un pas digne d'un prédateur, et m'asséner une gifle qui avait fait tourner ma tête de trois-quart par la puissance qu'il avait mis dans son geste. S'en est suivi un déferlement d'acharnement, que ce soit sur le plan physique et verbal, sur ma personne. Ma mère, elle, pleurait dans son coin, en se tenant le visage entre ses mains, comme si je venais de commettre un abominable crime contre l'humanité, tandis que mon père défoulait sa misanthropie, en ne me laissant aucune possibilité de m'exprimer ou de me défendre contre cette inimitié injustifiée.

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