Chapitre II. Page tournée

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Et un jour ; quelqu'un te prend la main.
Quelqu'un change ton foutu destin.
Quelqu'un rallume ta vie.
Quelqu'un te donne l'envie.
Il y a toujours quelqu'un qu'on n'attend pas, quelqu'un pour nous sauver de là, toujours.

Londres, 12h15.

Une fois cette agitation envolée au loin, le silence règne à l'intérieur des quatre murs de cette boîte qu'est mon bureau. Je le contemple avec du recul et il n'a rien de personnel. Semblable à un cabinet médical, sans vie, sans âme ni charme, pas même de photo de famille sur ma table. Triste et déprimant mais cher. Je profite de ce moment de calme et dépose sur le bureau avec toute la sensibilité que possèdent mes mains, mon sac en cuir brun. J'y en sors cette chose étrange avec lenteur comme si c'était une tasse en porcelaine. Je la dépose avec une délicatesse presque impossible comme une chose fragile quand bien même qu'elle ressemble à un vieux déchet. Si Wyatt passait par là il jetterait ce carnet probablement à la poubelle ou bien s'en servirait en tant que serpillère ou ramasse poussière. Un adepte du recyclage. Le même schéma que la veille se reproduit, il gît sur mon bureau attendant que je le lise mais je n'ose toujours pas. Pourquoi ai-je si peur ? Ma vie ne rime qu'a hésitation, regrets, doutes mais hier j'ai choisi de vivre alors faisons le autrement et pleinement. Je me jette d'abord sur le carnet puis ensuite sur ma chaise avant de relire cette phrase qui n'a cessé de résonner dans ma tête depuis l'instant où j'ai décidé d'ouvrir ses pages. Je l'apprécie une fois de plus ; A toi inconnu. Puis cette fois je tourne la page mais pas seulement celle de ce vieux carnet je tourne aussi celle de ma vie, de ma vie qui commence à cet instant précis. Je lis.

« Tu t'es enfin décidé à l'ouvrir n'est-ce pas ? Je suis heureuse que tu l'aie fait. Tu as dû ressentir de la culpabilité après t'être emparé de cette vieillerie, tu as dû te torturer l'esprit au point de ne pas en dormir la nuit car tu as peur de te mêler de ce qu'il ne te regarde pas. Non je ne t'espionne pas, je ne sais même pas qui tu es, mais je le sais car c'est ce que moi j'aurais ressenti. »

Ces mots me coupent le souffle et font manquer à mon cœur plus d'un battement. Il me faut un certain temps avant de reprendre mes esprits et me rendre compte que j'ai la mâchoire si grande ouverte par le choc, qu'une mouche pourrait venir s'y loger si l'envie lui en prenait. Je m'apprêtais a continuer ma lecture, dévoré par la curiosité mais on vint m'interrompre une fois encore. Je jette le carnet sous la table par peur d'être pris sur le fait, car je n'ai pas envie d'en parler à qui que ce soit. Je regrette mon geste brusque amèrement car cette horrible chose mérite d'être traitée avec toute la douceur dont je suis doté. Malgré son aspect peu valorisant, il peut peut-être contenir tout l'or du monde.

-Monsieur votre amie a appelé elle vous attend pour déjeuner. Elle m'a dit de vous dire de la rejoindre au Circolo Popolare. Me dicte Wyatt a l'aide de sa note en balbutiant sur le nom du restaurant, imitant un très mauvais accent italien.

-Merde, Aretha, j'avais complètement oublié. Murmuré-je en me massant les tempes.

Je crois bien que ma lecture attendra. Je ramasse le petit carnet qui fait tache dans mon bureau même sous la table puis le glisse gentiment dans mon sac ou il fait aussi déshonneur au cuir de mon bagage. Saisissant mon manteau je me dirige vers ce même ascenseur que j'ai emprunté plus tôt, en remerciant poliment mon assistant pour ses services et me jette dans le premier taxi. Il pleut aujourd'hui comme presque chaque jour qui passe à Londres. Les gouttes d'eau ruissellent contre la vitre de la voiture. Les lumières de la ville se reflètent dans celle-ci, m'offrant un joli spectacle de couleur. Après une longue contemplation je peux discerner le visage d'Aretha au milieu des gouttes. Elle est furieuse mais je sors tout de même du taxi en remerciant le chauffeur.

-Andréass Bellini ! me crie-t-elle. Je m'approche sans émotions apparente sur mon visage car je sais que ce repas ne va pas être agréable.

-Bonjour Aretha. Elle me gifle. Cette fois ce n'est plus le froid qui rougit mes pommettes pâles mais bien sa main qu'elle vient d'envoyer sans retenue dans mon visage. Mais je ne réagis pas, je le mérite bien quelque part, tel est le prix d'être un petit bourge égoïste.

-Qu'est ce que c'était que ce message hein ?! Tu ne te rends pas compte à quel point tu m'as fait peur Andréass. Ne t'avise plus jamais de recommencer t'as compris ! Pleure-t-elle en frappant mon torse de son frêle poignet. Dis-moi que t'as compris idiot ? Gémit-t-elle entre ses sanglots. Je la serre dans mes bras.

-Excuse-moi, je ne recommencerais plus.

-Andréass, tu es comme un frère pour moi, ma seule famille ne m'abandonne pas s'il te plait.

-C'est promis. Entrons manger tout le monde nous regarde. Tout va bien maintenant alors cesse de pleurer. Lui soufflé-je à l'oreille en lui tapotant le dessus de la tête comme un grand frère ferait à sa petite sœur de six ans. C'est ce que nous avons toujours été.

Nous entrons dans ce restaurent respirant l'air d'Italie, d'où je viens. Les murs sont d'un blanc éclatant permettant au vieux bois des chaises et des tables de briller de tout leur charme. Le plafond est recouvert de plantes tombantes aussi vertes que l'herbe de printemps. De lourds souvenirs refont surface ce qui me procure un bien fou mais provoque à la fois une douleur insurmontable telle, que j'aimerais fuir immédiatement cet endroit. Commandes passées, il est trop tard.

-S'il te plait Andréass dit moi ce qu'il t'est passé par la tête, je t'en prie j'ai besoin de savoir. Je savais qu'elle finirait par me poser ce genre de questions auxquelles je veux à tout prix éviter de répondre. Mais je lui dois bien ça.

-Je ne sais pas... Rien ne va plus, mon travail, ma vie, mon passé j'étouffe. Ce que j'ai fait à ma famille me hante chaque jour et je pensais ne plus pouvoir vivre avec. Lui confié-je sincèrement.

-Arrête. Tu n'es pas responsable.

-J'ai tué ma famille Aretha ! ma mère, ma sœur, mon frère, je les ai assassinés.

-Tu dis n'importe quoi Andréass tu n'y es pour rien. Prends-tu toujours tes médicaments ?

-S'il te plaît arrête avec mes médicaments, je ne suis pas un fou. Dis-je agacée par son commentaire.

-Il n'est pas question de ça. Le médecin dit qu'ils t'aideraient simplement à aller mieux.

-Ah oui, vraiment ? Constate toi-même le résultat.

-Stop. Retourne le voir s'il te plaît.

-J'ai du travail je dois y aller. Déclaré-je en faisant mine de regarder ma montre. Aretha me connaît mieux que quiconque et sait pertinemment qu'il est inutile de me retenir, alors elle me laisse partir. Sur le seuil de la porte du restaurant, elle me glisse tout de même un message qui m'irrite.

-Tu fuis une fois de plus Andréass.

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