Bras dessus, bras dessous, nous nous dirigeons vers le parc. Il y a du monde, des couples, des familles, des enfants, comme chaque samedi. Chacun est occupé à ses petites affaires, concentré, insensible à ce qui l'entoure, quel gâchis. Même les mamans zyeutent leurs portables pendant que leurs bambins les appellent inlassablement pour montrer leurs exploits... Dieu, que c'est triste. Et s'il y avait une agression ? Un accident ? Une tragédie... Ne recommence pas, Lei ! Je remarque l'attention d'Adam sur les couples d'amoureux qui nous entourent. Je pourrais m'extasier, lui souffler discrètement que nous devons avoir l'air de nous aimer, nous aussi. Malheureusement, je n'ose pas. Cette mélancolie dans la nuit de ses yeux revient de temps en temps. Donc, la question est : pense-t-il au futur qui s'offre à lui, avec moi ? Ou Sarah revient-elle encore le hanter ?

Ma réponse intérieure provoque l'effet d'une gifle, machinalement, je lui lâche la main et tente de ravaler la douleur de la réalité qui s'offre à moi. Évidemment que sa défunte épouse subsiste dans ses pensées, ils s'aimaient vraiment. Je peux comprendre son chagrin, mais... et moi ? Y aura-t-il, un jour, une place pour un nouvel amour dans son cœur ? Je ne peux que l'espérer.

Je m'éloigne pour modérer cette douleur dans ma poitrine. Sa proximité m'en empêche, j'évite son regard, embarrassée. Il faut que je me ressaisisse, bon sang. Ma gêne grandit sous l'attention d'Adam. Il semble comprendre mon mal-être, se tortille de malaise, désolé, tout en restant ses positions. C'est toujours ainsi. Je me sens débile, j'attends depuis trop longtemps... Il ne l'oubliera pas. Sa défunte épouse sera son seul et unique amour... Moi, je suis de trop.

Je ne suis que la voisine d'en face.

Je ne suis que l'amie qui le console dans ses moments de solitude.

J'écoute attentivement ses anecdotes sur le passé, je ris quand il rit, et je pleure lorsqu'il pleure.

Adam ne fera pas le deuil de son épouse, il ne sera jamais vraiment à moi... comme j'en rêve depuis trop longtemps. Je me voile la face ? Lui lancer des messages cachés sur mes envies ne rime à rien, car il sait ce que j'espère. Il s'agit malheureusement d'un amour à sens unique, je crains que ça ne reste que ça. C'est lamentable, comment ai-je pu croire qu'il serait facile de taire mes sentiments, de jouer le jeu, de patienter le temps qu'il ouvre les yeux ?

Je m'entends renifler, et l'agacement me gagne. Je ne veux pas pleurer pour un homme, je ne veux pas être comme ma mère... La chaleur de sa paume cherche ma main, nos doigts s'entrelacent, et le regard bleuté d'Adam me réchauffe de l'intérieur... cependant, je reste méfiante... Notre relation doit changer. J'imagine qu'il se sent mal pour moi, je dois faire pitié à croire que le temps exaucera mes souhaits. Mon esprit me hurle de me reprendre, mais mon corps refuse d'écouter... Saloperie !

– Sarah me manque, commence-t-il.

J'ai envie de grogner de frustration, me retiens avec peine. Malheureusement, mes yeux se plissent pour foudroyer Adam du regard. Il va réellement me reparler d'elle alors que je suis à deux doigts de pleurer ? Je l'aime, merde, je l'aime et lui n'aimera qu'elle pour l'éternité !

– Allons manger, marmonné-je en essayant de m'extirper de son emprise, je me crispe, car il me retient.

– Je m'y prends mal, je ne sais plus comment courtiser une femme, bafouille-t-il en rougissant.

Courtiser ? De qui il se moque ?

– Commence par ne pas parler tout le temps de ton ex-femme, répliqué-je d'un ton cassant.

Mon ton ne semble pas plaire à Adam. Il blêmit, sans pourtant me lâcher la main.

– Je ne savais pas que ça t'agaçait à ce point, Lei. Je croyais que tu étais mon amie.

Cher Journal...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant