*Prologue*

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« Cher Journal,

J'ai compris ce qui mènera ce monde à sa perte.

L'ignorance forcée.

Parce qu'il y a tant de souffrance autour de nous, tant de larmes, de peine, de douleur créée par de mauvais actes. Ce genre de choses ne devraient pas rester impunies, malheureusement, c'est le cas.

Combien de publicités avez-vous vues sur la maltraitance des animaux, la faim dans le monde, et les guerres qui persistent...

Combien de sans-abris avez-vous croisés sans prendre le temps de partager un sourire ?

Combien d'enfants en pleurs ont-ils attiré votre attention sans que vous ne vous arrêtiez pour les rassurer ?

Combien de femmes taciturnes, apeurées, soumises, avez-vous conseillées sans prendre le temps de savoir vraiment ce qu'il s'était passé ?

Tout ça, parce que vous l'ignorez sciemment.

Si je ne vois pas, je ne suis pas obligée d'intervenir. Personne ne peut assurer le contraire, et je ne serai coupable de rien.

Je suis une victime, et j'ai vu vos regards esquiver ma détresse. J'ai vu votre peau frissonner face à mes prières silencieuses, et pourtant... pourtant, vous m'avez laissé là... Vous n'avez volontairement rien vu.

Moi si...

Je suis certainement morte aujourd'hui, je ne sais pas encore comment, mais je ne suis plus de ce monde... Toutefois, j'aurais pu être protégée. Vous auriez pu me sauver... Alors, oui, je vous en veux.

Je vous en veux de m'avoir ignorée.

De ne pas avoir entendu mes cris.

De ne pas avoir remarqué les marques sur mon visage.

De ne pas avoir écouté mon silence...

La peur qui en écoulait à chaque fois qu'il posait les yeux sur moi.

Mon envie de lui plaire qui n'avait rien de naturel... Parce qu'il s'agit d'un amour forcé.

Si vous aviez osé me regarder dans les yeux, voilà ce que vous auriez compris.

Mes traits vous sont familiers parce qu'ils ont figuré sur des affiches de recherche. J'ai été enlevé des années plus tôt, et personne n'a pensé à vérifier... Parce que l'ignorance nous garde en sécurité.

Une sécurité que je n'avais pas, moi. Si vous aviez osé le discerner, vous auriez vu combien j'étais maigre. Cela est dû à des mois d'isolement, à toutes sortes de punitions aussi perverses les unes que les autres, à la douleur d'un viol... Une agression sur toutes les parties de mon corps, aussi bien extérieurement qu'intérieurement, j'ai été souillée des pires manières.

Je vous en veux tellement...

Je suis devenue folle... j'ai perdu la tête parce qu'il m'a brisée de l'intérieur. Il a fait de moi l'objet de ses désirs, et peu importe combien je vous ai suppliés de m'aider, il a gardé le contrôle sur moi, et sur vous, puisque vous prétendiez ne rien voir.

Il est intelligent...

Il sait comment détruire un esprit, je n'avais aucune chance d'y échapper. Il m'a manipulée, il m'a fait souffrir, pour ensuite me tendre la main. Humaine, je n'ai cherché qu'une source de douceur, peu importe d'où elle provient... Peu importe qu'il s'agisse du monstre qui me fait du mal.

J'avais tellement besoin de tendresse...

Et il a su me faire comprendre comment l'avoir.

J'obéis.

Je lui dis ce qu'il aime entendre.

Je reste nue pour son plaisir.

Je suis femme quand il le veut, et chienne quand il l'ordonne.

Je suis enfant à ses heures, et jouet à d'autres...

Mon seul crime a été ma solitude. Ma gentillesse... Parce que je me suis arrêtée devant l'ange, pour découvrir le démon... Un démon qui m'a menée en enfer sous vos yeux.

Je suis une condamnée, cher journal. Je suis peut-être déjà décédée, je l'ignore... Tout ce que je sais, c'est que je suis morte devant vous tous... Et vous avez détourné la tête pour m'abandonner à ma funeste destiné.

La voilà, la réalité.

Le monde va à sa perte, car je ne suis ni la première ni la dernière... et vous le comprendrez bientôt... »


Cher Journal...Where stories live. Discover now