13- Matisse

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Très cher Ulysse,



Nous y sommes.

Voilà de longues semaines que je ne sais comment t'écrire cette lettre.

Mais ta dernière, fut le déclencheur qu'il me manquait.

Et me voilà,

La main tremblante et peu assurée,

Mâchouillant le bout de mon stylo,

Nerveusement.

Et je n'arrive pas à débuter,

L'écriture de cette missive.

-

Tu sais,

La curiosité est un vilain défaut.

Et je pense que tu ne savais pas à qui tu t'adressais,

Lorsque tu m'écrivais.

-

C'est même évident que tu ne le savais pas.

Car je ne t'ai jamais répondu jusqu'à aujourd'hui.

Mais je n'ai pu m'empêcher,

D'écumer chacune de tes missives,

Soigneusement, une à une.

Bien que ces lettres ne m'étaient pas directement adressé.

Bien que je n'étais pas destinée à les lire.

Je sais que c'est très impoli de ma part mais,

S'il te plait, ne m'en veux pas, et poursuit ta lecture.

-

Permet moi tout d'abord de te dire que tu es un garçon brillant,

À  l'âme très certainement meurtri,

Mais brillant.

Dieu seul sait, combien de fois je me suis effondrée,

Le cœur serré, pleins de chagrin et de peine,

En parcourant tes écrits.

-

Matisse aussi est un garçon brillant.

C'est à lui que tes lettres étaient destinées.

-

Matisse, il est un peu comme toi.

Il est très solitaire, et n'a aucun ami.

Ses yeux sont recouverts d'un voile de tristesse.

Que nulle ne peut faire disparaitre.

Et il est morose.

Tellement morose.

Avec une plume à en faire pleurer,

Les anges eux même.

-

Seulement, voilà.

Cela fait des mois que Matisse ne me parle plus,

Qu'il ne m'écrit plus.

Donc correspondre avec toi,

C'était comme pouvoir correspondre avec lui.

À nouveau.

-

Vous êtes tellement semblables,

Que je t'aime sans même te connaître.

Je t'aime Ulysse.

Je t'aime tellement.

C'est peut-être pour ça,

Que j'ai tant tarder à te répondre.

Car je ne voulais pas que notre correspondance s'achève.

-

Je ne voulais pas te perdre.

Je ne voulais pas le perdre.

Une seconde fois.

-

Cependant ton état m'inquiète,

C'est pourquoi je me dois te dire la vérité aujourd'hui,

Afin de cesser tout cela,

Et de ne pas te torturer davantage.

-

Matisse est décédé quelques jours,

Après avoir reçu ta toute première missive.

C'est donc moi qui ai reçu et conservé chacun de tes écrits.

Car tant que tu lui écrivais, c'est comme s'il existait toujours.

-

Quelque part.

-

Ailleurs.

-

Et qu'il était juste plongé,

-

Dans un profond sommeil.

-

J'admets que c'est très égoïste de ma part,

De t'avoir laissé tisser une amitié,

Avec une âme défunte,

Hélas,

L'Humain fait parfois preuve d'une logique,

Proche de l'incompréhensible.

-

Mais tes mots,

Me donnait l'impression que,

Matisse n'était pas tombé dans l'oubli,

Et qu'il vivait encore,

Dans le cœur de quelqu'un.

Le cœur de quelqu'un d'autre,

Que le mien.

-

Mais tout cela est fini à présent.

Et pour toujours.


-


J'espère que tu me pardonneras.


-


J'imagine que cette lettre touche à sa fin,

Et qu'elle sera la dernière.

Alors laisse-moi te remercier.

-

Merci.

Merci de m'avoir fait sentir,

Que mon fils était encore à mes côtés.

Merci d'avoir fait vivre mon Matisse,

Une,

Toute,

Dernière,

Fois.

-

Merci, Ulysse.

Merci.

Merci pour tout.


Dieu te bénisse.

Au revoir, Ulysse.


Adieu.

Cher correspondantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant