Fait chier qu'on soit pas seuls.

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— Romain ! Peux-tu me donner la réponse à la question numéro deux s'il te plaît ?

La gomme de mon critérium vient tapoter la surface de mes lèvres et je retiens un soupir. Mon dos se redresse automatiquement sur ma chaise et mes yeux balayent ma feuille gribouillée de gris. Mouais. Pas ouf. J'avoue qu'aujourd'hui, je suis pas vraiment emballé par notre cours français. En fait, mes pensées sont un cafouillis d'autres problèmes alors je ne prends pas la peine de réfléchir à la philosophie de Platon. En réalité, qu'est ce que j'en ai à foutre...

— Quelqu'un d'autre pour me répondre ?

Je ne prends pas le temps de capter si certaines mains se lèvent puis, retourne à colorier les cases de ma feuille à carreau. C'est apaisant, je trouve. Et je n'arrive pas à m'arrêter, je pourrais continuer à faire ça jusqu'à ce que l'heure sonne enfin. Heureusement, la sonnerie s'enclenche après une dizaine de minutes. Mes affaires se retrouvent maladroitement dans mon sac puis, je vais rejoindre Kévin et Léo.

— Oh, j'ai rien capté à son cours moi ! se plaint Kévin, sortant son paquet de clopes de sa poche avant.
— J'ai pas écouté.

Clairement. J'ai rien écouté. C'était éclaté. Puis honnêtement, j'ai pas que ça à faire là. Depuis ce qu'il s'est passé il y a quelques jours, je ne fais que de penser à Andrea et son message. Car ouais, à cause de sa connerie, je ne sais plus comment communiquer avec ma mère. Je vois bien qu'elle essaye de faire des efforts mais à chaque fois, ça part en embrouille ou en dispute. Elle me gave, elle croit que je ne me comporte pas comme « d'habitude ». Déjà, comment elle peut dire ça ? Elle ne sait pas comment je suis avec Yanis et quand j'étais avec Vanessa, elle ne le savait pas non plus. Ça me saoule, elle croit me connaître mais elle se trompe sur toute la ligne. J'accepte le fait qu'elle ne soit pas d'accord avec la relation que j'entretiens avec le garçon mais de son côté, qu'elle essaye un minimum de comprendre. Je demande pas grand-chose, je sais pas.

Puis si elle n'en est pas capable, je peux rien y faire moi.

D'un côté, j'ai mon père. Alors... Bizarrement, il s'est montré vachement compréhensif. Ça nous a permit de discuter, beaucoup plus que d'habitude. Je savais que mon daron était une personne ouverte d'esprit, il s'intéresse au monde, à ses livres, aux actualités, il voit de tout. Il me l'a clairement dit, en me demandant de donner un peu plus de temps à ma mère. Je présume qu'à deux seuls, ils discutent entre eux mais bon, au fond, je veux pas vraiment savoir ce qu'ils peuvent se dire. Je ne suis pas prêt à encaisser des mots durs.

À la pause du matin, on se retrouve avec tout le groupe. Mais vraiment, tout le groupe. Yanis et Mathis nous ont rejoint, Cassandre et son ami Bastien ainsi que Maël. Tout le monde discute sauf moi. Je remarque que le bronzé me lance des regards depuis tout à l'heure, tirant sur un joint qu'il partage avec son meilleur pote. Adossé contre un muret, on s'amuse à se lancer des petits sourires parmi toute cette population. J'arrive à entendre quelques conversations mais j'ai pas la force de commenter quoi que ce soit.

La flemme.

— Ohh, ma belle Cassandre. Mais qu'est ce que tu nous a fait à tes cheveux ?
— C'est une coloration. Tu vois pas ou quoi ? lâche la gothique d'un ton désespéré.
— Mais si, je vois très bien ! C'est cool, t'inquiète, continue Kévin avant de reprendre sous le silence de son interlocutrice. Wesh, j'viens de te faire un compliment meuf !

Je pense qu'elle en a surtout rien à faire, de son compliment... C'est pas comme si les deux là se comportaient comme chien et chat. Un jour ça va, ils arrivent à se supporter mais l'autre... Vaut mieux laisser une distance de sécurité entre eux. Pour le bien de tous.

— Super, merci Kévin ! Tu veux que je te dise quoi de plus ?
— Tranquille. J'suis venu en paix, pour une fois.

Le sujet de la conversation dérive sur tout autre chose et entre temps, Yanis s'approche un peu plus de moi. Moi, j'ai juste envie de le prendre dans mes bras et de le serrer contre mon torse. Ce serait parfait, puisqu'il est plus petit que moi. Il a la taille parfaite ou... C'est moi qui est trop grand.

ROMAIN y YANISOù les histoires vivent. Découvrez maintenant