Chapitre 4 : Merci d'être là pour moi

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Il aimait Brooklyn, même au vingt-et-unième siècle. C'était son point d'ancrage, le lieu où il avait grandi, là où se trouverait toujours certains de ses meilleurs souvenirs.

Il se demandait pourtant s'il n'était pas temps qu'il plie bagages pour de bon et aille s'installer ailleurs.

A la Nouvelle-Orléans, par exemple.

Bucky se rendait si souvent à Delacroix que la situation commençait même à lui sembler un peu ridicule. Entre les missions, la longueur des trajets entre les deux états et le temps qu'il passait chez les Wilson, il avait l'impression qu'il mettait à peine les pieds dans cet appartement. Il n'y avait pas encore songé sérieusement jusque-là mais l'idée faisait maintenant son chemin de façon plus marquée.

Notamment parce qu'il avait eu tout le temps de cogiter sur le trajet durant les longues heures de route qui l'amenait une fois de plus chez Sam et sa famille. Allongées par le temps où il avait dû attendre le vol retardé à New York à cause d'un retard du personnel de bord. Où le pilote avait dû modifier son parcours habituel à cause de violentes intempéries. Où sa voiture de location était tombée en panne à une dizaine de kilomètres de Delacroix, en pleine nuit et sous une pluie battante.

Bucky soupira avec soulagement lorsqu'il arriva enfin sur le porche de ses hôtes.

Il remarqua que la lumière du rez-de-chaussée était allumée et il se sentit embarrassé à l'idée que quelqu'un - Sam - ait pu rester éveillé bien après minuit pour l'attendre. Il avait pourtant bien prévenu son coéquipier qu'il aurait du retard et qu'il utiliserait la clé que Sarah lui avait donné récemment, qu'ils n'avaient pas à s'en faire pour lui.

Il n'en fut pas moins reconnaissant lorsqu'il aperçut la serviette à l'entrée et qu'il put se sécher un peu, son manteau de saison n'ayant pu le protéger que jusqu'à un certain point face aux trombes d'eau tombées du ciel et aux rafales de vent inopportunes. Ses chaussures abandonnées à la porte et son sac sur l'épaule, il ne put s'empêcher de sourire en arrivant près du canapé qui semblait maintenant lui être attitré.

Sam était bien là mais il s'était endormi. Etendu sur le canapé, les bras croisés sur la poitrine, peut-être parce qu'il avait eu un peu froid, sa tête reposait contre l'accoudoir dans une position qui n'avait pas tout à fait l'air confortable. Oreiller, plaids et couvertures étaient à portée mais soigneusement pliés et superposés. Le téléphone de Sam était à terre, comme s'il avait fini par lui échapper. Le manteau de son ami, sec, peut-être prêt à être enfilé, avait à moitié glissé du dos du canapé.

Bucky se demanda combien de temps il était resté là. Si ce qu'il avait distraitement noté indiquait qu'en dépit des contretemps qui avaient retardé son arrivée Sam n'avait pas pu s'empêcher de rester sur le qui-vive ou de s'inquiéter un peu pour lui. Sa bienveillance naturelle envers lui était... charmante.

Bucky s'approcha silencieusement et posa un baiser léger sur son front.

- Merci de m'avoir attendu, murmura-t-il.

Puis il récupéra un plaid et le recouvrit pour rendre son sommeil plus serein.

Oh, Bucky prenait doucement conscience de ce qui lui arrivait. S'il était touché par son comportement à cet instant, ni vraiment capable ni désireux de nier qu'il ressentait une joie toute particulière à avoir quelqu'un qui attendait son arrivée, ou son retour, il savait aussi que ce n'était pas la première fois. Sam lui faisait ressentir... beaucoup de choses. Et l'envie d'exprimer ces choses semblait de plus en plus se cristalliser. Il n'était pas encore bien décidé sur l'étendue de ce qu'il voulait exprimer ou sur la manière dont il voulait le faire mais il ne doutait pas qu'il serait prêt un jour à le faire.

Pour ce soir, cependant, il se contenterait de s'installer paisiblement aux côtés de Sam, tout à fait satisfait de s'endormir là, allongé au sol et sous les couvertures qui lui étaient destinées, en appréciant la présence si proche de son ami.

Bien après que la maison des Wilson ait été plongée dans le noir, Sam ouvrit les yeux et réfléchit de longues minutes à l'incongruité d'avoir eu les lèvres de Bucky Barnes suffisamment de fois posées sur sa peau pour en connaître la texture.

Il s'en voulut un peu aussi de ne pas trouver le courage de briser l'étrange atmosphère qui s'était installée pour permettre à l'homme de récupérer le canapé pour la nuit.

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