Neuvième jour, il répond qu'il va rester plus longtemps, il l'aide à s'installer dans son appartement, il a besoin d'aide pour se sentir vivant, on peut pas le laisser sans surveillance, c'est ça où l'hopital psy, "mais l'hôpital psy va juste le casser un peu plus".

J'attends.

J'attends sans but.

Dixième jour.

Onzième.

Je trouve un vrai taff, au magasin du bout de la rue. Je nettoie l'appartement de fond en comble.

Douzième.

Je suis devant sa porte, je sais pas ce que je fous. Hector m'ouvre, me voit, plisse les yeux, me laisse entrer. On boit un café. Il me dit qu'il aimerait que je ne vienne plus. Je m'excuse. Il me laisse rester. On regarde un film. Sa main à l'air plus grande que dans mes souvenirs. Il est beau, ses cheveux sont plus longs, sa moustache plus garnie. Il a pris un peu de poids, ça lui va à ravir.

Treizième.

Il m'appelle pour dire qu'il risque de devoir rester vraiment longtemps, finalement. Freddie est trop peu stable, il a besoin de quelqu'un, il a personne. Il s'excuse. Il prend de mes nouvelles. Je lui parle de mon travail, je lui dis que j'ai écrit, que Dimitri a presque assez pour publier un deuxième recueil. Il me félicite. Raccroche brutalement après un bruit sourd en arrière plan.

Je suis chez Hector, encore. On boit un café, Athena est là, je vois qu'elle me hait mais personne ne dit rien. Hector est ensoleillé, il me réchauffe.

Quatorzième jour.

Hector me laisse dormir chez lui après que j'ai eu une terrible crise de panique.

Quinzième jour.

Je fume sur son balcon. Il me regarde faire, les volutes de fumée s'envolent autour de nous comme un nuage. Ses yeux lorgnent mes doigts, ma clope, mes lèvres.

Seizième jour.

J'm'endors sur son épaule après une longue journée de travail. Il me laisse faire. Hector sent bon.

Dix-septième jour.

Après le boulot, je passe à l'appart'. Thomas fume devant, les yeux exorbités. Il m'attrape par la taille, ses lèvres rencontrent brutalement les miennes. Il m'aspire contre lui, son souffle est rauque, haletant, ses mains agrippent mon corps comme si je risquais de disparaitre.

" Tu me manques, putain."

A l'intérieur, il me pousse contre le canapé. Soudain je me souviens de toute l'attirance que je ressens envers lui. Quand il me dévêt, quand il me touche, je flambe.

Puis, il repart. Il doit veiller sur Freddie. Freddie a besoin de lui. Et moi j'ai envie de lui.

Dix-huitième jour.

Je suis fatigué. Hector m'attend devant l'immeuble, un paquet de clopes en mains.

" Tiens, je t'ai acheté ça."

Je le remercie d'un merci fracassé. On se balade dans Paris, comme si je ne l'avais pas brisé, comme si nous avions toujours été amis et pas des effluves d'amants. Il me tient pas la main, mais ses doigts sont proches de ma manche et je ne sais pas comment lui dire que je suis perdu face à ses mains-brioches.

Je fume devant une boulangerie pendant qu'il nous achète deux croissants. Il se fait tard, il fait déjà nuit, il fait froid. Ma veste ne suffit pas à me protéger de la brise. Il me tend sa veste, je l'accepte. Il est beau, grand, musclé. Mais je pense aux mains de Thomas, à sa bouche sur mon corps, à sa langue, à ses mots, et je sais que je ne peux pas regarder Hector. Alors je finis ma clope les yeux fermés.

"Pourquoi t'es revenu?"

" Parce qu'un jour tu m'as dit que tu m'aimais. Et que tu m'aimerais jusqu'à ce que les étoiles arrêtent de brûler."

" Les étoiles peuvent mourir."

" Mais ton amour, non."

Il se laisse glisser près de moi. Il est en plein dans mon nuage de fumée, alors par respect j'écrase ma cigarette. Je suis déjà assez cancérigène.

" Pourquoi est-ce-que ça t'importe? Tu es heureux avec l'autre— Benjam— Thimoth— Thomas. Alors pourquoi tu reviens toujours, Achille? Pourquoi tu ne me laisses pas le temps de passer à autre chose?"

" Je..."

" J'ai envie d'aimer quelqu'un d'autre comme je t'ai aimé. Comme je t'aime toujours, même quand t'es un connard égoïste, même quand tu t'évertues à croire que tu es le centre du monde. Je t'ai aimé brisé, je t'aimais entier, je t'aime avec une passion que je ne comprends pas. Je t'aime même quand j'ai envie de te hurler dessus. Je t'ai présenté à mes amis— à ma véritable famille. Je t'ai laissé devenir une part de moi. Et tu t'es arraché à moi pour quelqu'un qui t'as ruiné, toi et tant d'autres. Et je ne comprends pas, je ne te comprends pas, et même comme ça je t'aime."

Il ne me laisse pas le temps de parler.

" J'aimerais que tu comprennes à quel point tu me fais souffrir. A quel point tes apparitions, tes attentions, toi... toi en entier. Tu me fais souffrir. Putain. Tu me donnes envie d'être ta putain de cigarette, tu me donnes envie de me laisser me faire fumer par ta bouche de gros connard. J'ai envie que tu me touches, que tu m'embrasses, mais ça tu le sais, tu le vois, et tu continues de me titiller, de revenir, de me faire croire que je pourrais te récupérer, juste pour ensuite retourner baiser l'autre enfoiré."

Il secoue sa tête.

" Il t'aime, au moins? Il est bon pour toi? Il est là? Où revient-il uniquement pour te baiser, te toucher, t'utiliser?"

"Je..."

" Je t'aime. Tu le sais. Et putain, j'en ai marre de t'aimer. J'en ai marre de t'aimer alors que toi tu te laisses te faire détruire encore et encore par le même enfoiré."

" Hector..."

"Non, tais toi. Je t'ai laissé parler tant de fois. Je t'ai laissé te justifier, je t'ai laissé avoir le culot de me dire que j'étais trop heureux, trop entier, trop épanoui pour toi. Que le fait que je me suis repris en main, que j'ai appris à vivre est la raison pour laquelle tu te sentais mieux avec celui qui t'as traumatisé plutôt qu'avec moi. Tu les entends, les conneries que tu m'as dites? Que tu m'as fait accepté comme si c'était concevable d'être un aussi vieux con?"

" Hec—"

" Non. Je t'en veux. Et j'ai le droit d'exprimer ma colère. Je sais qu'il a dû repartir, définitivement ou non, j'en ai rien à foutre. Sinon tu serais pas revenu. Sinon tu m'aurais parlé de lui, un tant soit peu. Et je suis pas ton bouche-trou, Achille. Je suis pas... Je suis pas toi."

Il ferme les yeux, sa lèvre inférieure entre les dents. J'ai envie de lui foutre un coup de poing. J'ai envie de lui hurler dessus, de me défendre, de dire quelque chose, peut importe, pour le provoquer, pour lui faire manger la haine que je ressens.

" Je suis désolé." je dis, à la place des insultes que je n'ai aucuns droits de placer

" Va te faire foutre, Achille."

Il se tourne, se ravise, revient, prend ma main, fixe nos doigts entrelacés. Soupire. Je vois les larmes aux coins de ses yeux, je vois sa lèvre inférieure qui tremble, je vois le courage qui s'éclipse. Alors je m'approche de lui, je l'attrape par le col de son t-shirt, et je dépose un léger baiser sur sa joue, puis sur ses lèvres. Il m'embrasse doucement, sans un mot.

" Adieu, Achille."

" Adieu."

AchilleWhere stories live. Discover now