~Twenty-nine

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Sa maison paraissait austère.

Dénuée de sens, de vie à part la sienne qui se trainait lamentablement sur le sol de sa chambre.

La poussière venait remplir les autres pièces vides, passant sur les meubles anciens, les chaises autour de la table, les portraits accrochés au mur, les couverts posés ça et là car la cuisine était déjà pleine d'assiettes sales.

Il avait laissé la maison sans dessus-dessous, et désormais elle n'avait pas la force de ranger à sa place.

Ses voisins étaient venus, présenter leurs condoléances.

Alors que, de son vivant, ils n'avaient jamais mis les pieds sur son terrain.

Les morts reçoivent plus de fleurs que les vivants parce que les regrets sont plus forts que la gratitude.

Elle se souvenait d'avoir entendu ça quelque part, alors que son père lisait un journal.

Et elle ne pouvait pas mieux y faire honneur, amère qu'elle était.

Elle n'avait reçu aucune fleur, en réalité. À part de son oncle Amos qui habitait trop loin pour venir la chercher.

Et désormais elle restait seule, pathétique qu'elle était.

Comment avait-elle pu penser -non, comment avait-elle pu croire qu'elle arriverait à le faire changer ?

Draco Malfoy.

Si elle n'avait pas été aussi stupide, elle serait restée à Poudlard, n'aurait pas été jusqu'au ministère.

Voldemort aurait gagné, peut-être.

Mais qu'est-ce que cela changeait ? Il finirait par gagner tôt ou tard.

Et son père serait encore en vie.

Avec elle.

La dernière des Valdez.

Cédric serait venu.

Cédric serait resté avec elle, l'aurait forcé à se lever, à s'habiller, à se laver, à sortir. L'aurait aidé à nettoyer les tableaux tapissés de poussière, l'aurait aidé à nettoyer les pièces vides de sa grande maison, l'aurait fait rire.

Mais Cédric était mort.

Et personne n'était venu.

Personne n'était resté.

-"Esther !"

Elle ferma les yeux, tentant vainement de se souvenir du timbre de voix de son défunt cousin.

-"Esther, ouvre la porte."

Peut-être avait-il ce timbre là.

Non, il avait une voix plus aiguë.

-"Esther, à trois je défonce la porte."

Elle se releva soudain de son lit défait.

Ce n'était pas Cédric.

Déjà, parce que Cédric était mort - paix à son âme.

Ensuite, parce qu'elle savait exactement qui c'était.

Trois.

La porte alla s'écraser contre le mur porteur et Draco Malfoy entra dans la maison, nonchalant.

-"Je sais que tu es réveillée, personne ne dort jusqu'à seize heures de l'après-midi."

Sa voix résonna dans le rez-de-chaussée et elle rehaussa la couverture sur elle.

Elle ne voulait pas le voir.

-"Tu as du culot." Dit-elle lorsqu'il entra finalement dans sa chambre, essoufflé d'avoir monté autant de marches. "De venir chez moi."

-"Je voulais qu'on parle."

-"Je ne veux pas." Elle fixa sa fenêtre qui donnait sur son jardin ensoleillé. "Sors."

-"N'y compte pas."

Il alla s'asseoir dans son fauteuil, près de la fenêtre, et elle se força à ne pas le regarder, dégoûtée.

-"Tu oses me prendre de haut." Dit-elle en admirant l'oiseau sautiller sur sa branche. "Alors que tu n'as fait que te terrer dans un coin lorsque je me battais contre ton père et Voldemort."

Il se tendit soudain et elle vit du coin de l'oeil ses mains s'agripper à leurs accoudoirs.

-"Ne prononce pas so-"

-"Je prononce ce que je veux, Draco."

Il sentit les poils de son échine se hérisser lorsqu'elle prononça son nom, sa voix rauque tentant de reprendre l'habitude de parler.

-"Je te l'ai dit, et je te le redis."

Elle posa finalement ses yeux dans les siens, et les voir si terne lui fit mal au coeur.

-"Sors."

-"Pas avant de t'avoir parlé." Il regarda ses ongles d'un air ennuyé. "Tu sais, je suis prêt à accepter tes excuses."

Il y eut un long silence, et il releva les yeux pour vérifier qu'elle ne s'était pas endormi.

Mais elle le fixait bel et bien, les yeux grands ouverts, la bouche également.

-"De-" elle était trop sonnée pour parler. "Quoi ?"

-"Je sais que tu es dans cet état parce que tu m'as quitté." Il souffla sur ses ongles. "Je suis prêt à te pardonner."

Elle dut s'y prendre à deux fois, répétant ses mots dans sa tête comme pour chercher une logique cachée, avant d'avoir un léger rire doublé d'une quinte de toux.

-"Tu rigoles, j'espère ?"

Elle espéra qu'il se mette à rire également. Qu'il se lève, reparte, la laisse.

Mais il fronça les sourcils.

-"Quoi, tu ne veux pas t'excuser ? Tu comptes me pleurer encore des jours ?"

Elle regarda autour d'elle et se pinça même pour vérifier qu'elle ne rêvait pas.

Mais non.

Draco avait le culot de venir jusque chez elle, de fracasser sa porte et de lui demander de s'excuser. Pire encore, il osait se servir de son deuil à son propre avantage.

-"Je ne pleure pas pour toi, imbécile." Elle sentit ses yeux la piquer et se mordit la lèvre inférieure, plissant les yeux pour ne pas laisser ses larmes couler. "Je pleure mon père."

Et soudain, semblant saisir, les yeux du garçon s'agrandirent sous l'effet de la surprise.

-"Il est mort ?"

Son manque de tact remua le couteau dans la plaie.

Que devait-elle répondre à ça ?

Oui, il était mort.

Le mot lui semblait tellement fort soudain, comme pour marquer son effet éternel. Il était mort pour toujours.

Parti était un terme plus doux. On pouvait revenir, lorsqu'on partait.

Disparu, on pouvait réapparaître.

Mais mort. On ne pouvait pas revivre.

Elle baissa la tête, soudain, et il se releva.

-"Je-"

Suis désolé. Mais comment pouvait-il dire une chose pareille ? Aucun mot ne pouvait réparer ce qu'il venait de détruire.

Alors il ne dit rien, ne posa pas sa main sur son épaule, ne tenta pas un sourire maladroit.

Il rehaussa sa veste.

-"Je te rembourserai la porte."

Et il sortit de sa chambre, descendit les escaliers marche par marche, avant de sortir de la maison.

Et, sans un mot de plus, Estherial retourna contre son oreiller, rehaussa sa couverture, et posa ses yeux sur l'oiseau qui gazouillait avec ses enfants.

𝔈𝔰𝔱𝔥𝔢𝔯𝔦𝔞𝔩, 𝔪𝔶 𝔢𝔭𝔦𝔠 𝔩𝔬𝔳𝔢  ❦ [TERMINÉ]Where stories live. Discover now