Chapitre I

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Alyssa

Debout devant le grand miroir de ma chambre, je tente de réajuster ma robe noire. Je me mets du crayon noir sous les yeux et du gloss pailleté. Je remets mes longs cheveux châtains aux boucles légères devant ma poitrine, de peur qu'on ne voit le décolleté léger de ma robe noire. Je n'ai jamais été très à l'aise avec mon corps. J'adore les robes pourtant, ma silhouette frêle m'en empêche. Je me trouve trop maigre, trop triste, trop... trop et pas assez, à la fois.

—Alyssa ! crie ma mère d'en bas.

 Je remets ma bague tête de mort à mon majeur—bague offerte par mon grand frère il y a environ plus de trois ans de cela—et descends avec mon sac à main un peu trop grand à la couleur noire, une tête de mort en strass dessus. Avant de descendre les escaliers en bois, j'attrape mon téléphone et écouteurs. Je descends ensuite ces fameux escaliers peints en blanc à une vitesse tellement folle que ça en fait claquer mes Converses contre les marches. Dans le hall, je croise les bras sur ma poitrine en dévisageant ma mère, sourcils froncés.

— Qu'est-ce que tu veux ? je gronde.

Ma mère pivote vers moi, un plumeau multicolore à la main. Elle était en train de dépoussiérer le meuble à chaussures qui se trouve dans l'entrée, contre le mur où est, un peu plus haut, le porte-clés mural.

— Ma chérie, il va falloir parler, tu sais, soupire ma mère en me regardant avec des yeux de chien battu. Non seulement de tes problèmes à l'école mais, tu sais de qui je parles, pas vrai ?

— Je n'ai pas de problèmes ! Et il faut que j'aille en cours et je ne veux pas en parler, ok ?

— On en reparlera ce soir, au dîner.

 Je ne lui réponds pas et fais claquer la porte derrière moi. Je lève la tête vers le ciel. Le porche d'entrée m'abrite du grondement puissant du tonnerre, pourtant, la pluie ne tombe pas encore. Je tente de retenir mes larmes. Depuis la mort de mon frère, il y a trois ans, la relation entre mes parents et moi est très tendu. C'est à peine si on se parle de vrais sujets. Je m'en veux, au fond de moi. Je sais que, s'il serait resté, tout ça ne serait pas arrivé. J'étais vraiment très proche de lui car j'avais toujours été plus mature que les autres enfants de mon âge. C'était le seul qui me comprenait vraiment. Le seul qui me protégeait. Mon sauveur. Puis il est mort et j'ai sombré. Je porte désormais que des vêtements « triste », selon ma mère et j'ai l'impression que le monde s'est encore plus retourné contre moi. J'ai envie de pleurer à chaque moment de la journée et affronter les regards est une épreuve que je traverse quotidiennement.

 Je marche, tête baissée, jusqu'au chemin de l'école, enfonçant mes écouteurs dans mes oreilles et mettant la musique 'Call It What You Want' de Taylor Swift.

My castle crumbled overnight

I brought a knife to a gunfight

 Une fois à l'école, ma musique éteinte, je vois un groupe de filles regarder un homme en costard cravate, tout en gloussant. Je lève les yeux au ciel. Ce genre de filles là sont vraiment bizarre.

   Je ne comprends pas l'amour. Même si je sais que ce n'est pas de l'amour, que de paraître débile devant un homme plus âgé, je n'ai jamais compris l'amour. Je ne comprends pas et ne comprendrait jamais pourquoi les gens sont capables de souffrir pour une personne. Je ne comprends pas les gens qui se dévouent corps et âme pour une autre personne sans importance. Les filles qui tentent de plaire pour être dans le lit du gars en question. À vrai dire, je ne comprends pas les autres filles de mon lycée. Surtout comme cette peste de Dana Davis ! Avec ses cheveux blonds parfaits, ses grands yeux bleus qui jouent l'innocence en m'accusant de ce que je n'ai pas commis, et avec son décolleté toujours plus plongeant. Sans compter ses vêtements roses, ses ongles parfaits. Tout ce qui émane de cette fille est exagérément et énervement parfait. Elle drague toujours tous les mecs du lycée, elle et ses « amies ». Amies qui sont plus ses petits chiens que de vraies amies. À vrai dire, je n'ai pas à me plaindre, car je n'ai pas d'amis. Cependant, si je critique autant Dana et ses « amies », c'est parce que je connais bien Dana. On était déjà ensemble à la maternelle. Jusqu'au lycée. On est maintenant en deuxième année. Ça fait plus de dix ans que je la supporte. Enfin, pas vraiment.

Why do I love you ?Where stories live. Discover now