L'Olympe est tombé. Gaïa, victorieuse, règne à présent en seule maitresse sur un monde divin privé de sa précieuse immortalité.
Perdu sur une île isolée au beau milieu de l'Atlantique-Sud, Nico Di Angelo prend, quant à lui, la tête de la résistance...
- On va partir ? M'interroge soudainement une voix enfantine, m'arrachant à mes pensées tandis que je franchis les lourdes portes d'airain du Temple de Bellone.
- Assister secrètement à un conseil de guerre où l'on n'est pas convié est très risqué. Déclarais-je sérieusement tout en me retournant vers l'origine de la voix, ne me doutant que trop bien de son propriétaire. Imagine si les gardes t'avaient attrapé ?
- Ils sont trop lents... et puis de toute façon ils étaient en retard pour la relève. Répond avec assurance un garçon aux chevaux châtains.
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« Décidément, ce gamin ne changera jamais... » Pensais-je,tentant de réprimer un sourire face à l'aplomb du jeune me faisant face.
J'ai rencontré Keerin il y a six mois environ. Un pauvre garçon d'à peine une dizaine d'années, transit de froid, et laissé à lui-même dans les rues de San Francisco. Je lui ai donné ma veste (qu'il n'a jamais quitté depuis), et l'ai recueilli.
J'ai tout de suite compris qu'il avait quelque chose de spécial, il ne serait en être autrement. Après tout... comment sinon un enfant aurait-il pu survivre aux températures glaciales de l'hiver Nord-américain ? Seul, qui plus est. Et mon intuition ne m'a pas trompé, le jour où nous avons franchi ensemble le Pomerium, enceinte sacrée du Camp Jupiter... n'acceptant que les détenteurs de sang divin.
Ainsi, Keerin était bel et bien un demi-dieu.
Seulement, aucune divinité ne l'a jamais revendiqué, et son habitude de se murer dans le silence dès que l'on abordait le sujet de sa famille ne m'a guère aidé... Mais peu m'importait, je l'ai pris sous mon aile, le jeune garçon emménageant dans mon dortoir, occupant le lit de camp parallèle au mien.
Dès lors, je suis devenu une sorte de grand frère pour lui, veillant sur le demi-dieu et l'initiant aux entrainements au combat... et veillant accessoirement à ce qu'il ne s'attire pas les foudres de légionnaires à qui il aurait joué un mauvais tour dont lui seul a le secret...
Car même si Keerin pourrait bien me faire faire des cheveux blancs (assez littéralement, m'étant déjà réveillé un matin avec une coloration rose bonbon...), le jeune garçon reste sûrement la principale, et unique, raison pour laquelle je suis resté vivre au Camp Jupiter.
- Tu n'as toujours pas répondu à ma question. Me rappelle d'ailleurs à nouveau le châtain, m'extirpant des souvenirs heureux vécus ensemble ces six derniers mois. On va vraiment quitter le Camp Jupiter ?
- Il semblerait bien...
- Mais Reyna a dit que l'on mourrait tous si l'on partait... Réplique-t-il, le jeune demi-dieu cachant, comme à son habitude, son manque d'assurance derrière un air circonspect.
- Elle a peur... comme nous tous. Et la peur fait souvent dire des choses insensées.
- Mais toi tu n'as jamais peur pourtant, Jaz... Rétorque derechef Keerin, me laissant échapper un léger rire gêné.
Depuis que l'on se connait, le jeune châtain m'a toujours mis sur un piédestal. Imitant plus fidèlement mes mouvements et tactiques à chaque nouvel entrainement, me suivant partout où je vais, son ombre toujours fidèle à la mienne, et aspirant à devenir un jour Préteur... comme je l'avais été.
Keerin ne m'a encore jamais parlé de son passé, mais je me doute bien que son enfance a dû être plus que difficile. Alors si cela peut lui donner quelque chose à quoi s'accrocher, je me suis juré de m'investir pleinement dans le rôle du grand frère modèle et du héros valeureux de ses rêves.
Keerin mérite au moins ça.
- Bien-sûr ! Finis-je par répondre, affichant un sourire faussement assuré. Mais sais-tu comment on y arrive ?
- En se battant avec son cœur et non avec sa tête. Répond alors Keerin du tac au tac, répétant mot pour mot la principale leçon qui je lui ai enseignée lors de nos séances d'entrainements. Car si j'ai bien retenu une chose de mes années passées au service de la Nouvelle Rome, ou durant mes nombreuses quêtes, c'est bien que le cerveau peut aisément être embrumé et voir son raisonnement détourné. En revanche, aussi longtemps que l'on reste fidèle à son cœur, rien ne saurait le tromper.
- D'où la nécessité de s'entrainer autant au combat qu'à connaitre et accepter ses propres émotions. Continuais-je, la fierté se lisant assurément dans mon regard, tandis que je m'accroupis, apposant ma main sur l'épaule du jeune demi-dieu. Et puis, qu'est-ce que je ferais sans mon petit Enée préféré ? Allez... file donc aux baraquements préparer tes affaires ! Je te rejoins dans un petit instant.
- D'accord... Concède finalement Keerin, ne pouvant s'empêcher de rougir à l'entente de son surnom, inspiré du héros légendaire, seul survivant de la Guerre de Troie et à l'origine de l'histoire de la fondation mythique de Rome, tandis qu'il dévale les marches de la colline aux temples.
« Ce garçon ne cessera jamais de m'étonner... » Pensais-je, mes lèvres s'étirant en un sourire sincère.
Si l'on m'avait dit un jour que je m'attacherai autant à un gamin, je l'aurai difficilement cru... Pourtant, me voici maintenant à m'impliquer pleinement dans le rôle du grand frère protecteur, considérant chaque sourire arraché à Keerin comme la plus belle des victoires...
Telles étaient mes pensées avant qu'une voix féminine ne vienne subitement les disperser.
