Chapitre 1: Dans la ville de Port-aux-Monts

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Le soleil était encore haut dans le ciel lorsque le vieux Rick planta pour la énième fois sa pelle dans la terre de l'un des potagers de la montagne. Il se plaignait de la terre sèche et regretta à haute voix d'avoir cédé aux caprices des "vieux" de la ville. Les "vieux" en question riaient ou soupiraient, exaspérés par la mauvaise foi du jeune retraité grincheux. Je taquinait un mon vieil ami en vidant une bouteille d'eau. 

"La retraite n'est pas facile, on dirait !"

"Tu verras, gamine, à mon âge !"

Le doyen de la ville, 17 ans plus âgé que Rick, passa à côté du vieux grincheux en portant des paniers bien garnis de mauvaises herbes sur ses épaules. Il s'était arrêté devant moi avant de se retourner vers Rick, les mains sur les hanches et les sourcils levés. Rick râla encore.

"J'ai compris. Pas la peine d'en faire une histoire."

Le grincheux planta à nouveau sa pelle dans la terre, toujours trop sèche. Le doyen pris une bouteille d'eau et but d'une traite.

"Comment peux-tu passer tes journées avec ce râleur professionnel, ma petite June ?"

Je regardai un instant le doyen, je riai avant de me détourner vers Rick.

" Il est marrant et il a toujours d'incroyables histoires à raconter. Nous sommes deux grands rêveurs."

Seul un râle rauque s'échappa de son épaisse moustache argentée. Le groupe descendait, de potager en potager jusqu'au pied de la montagne. Le soleil plongeait dans la mer scintillante près des montagnes. Il était temps de rentrer. Le vieu Rick me raccompagna jusqu'à chez moi.

"June, au lieux d'être dans les pattes des petits vieux, tu n'as pas envie de te faire des amis de ton âge ?"

"Non."

Ma réponse brève semblait avoir l'effet d'une gifle. Son visage se décomposait. Dans cette petite ville portuaire animée, je n'avais pas d'amis. Mes pieds devinrent plus intéressants tout-à-coups. Rick soupira, encore.

"Il y a tellement de gamins qui vagabondent dans la ville. Tous vont se baigner dans la mer ou se promener dans les sentiers de la montagne. Près des quais, il y a des boutiques de pâtisseries ou confiseries. Manges avec des gens de ton âge des cochonneries."

"C'est très fatiguant d'être dans la foule."

"À partir du moment où il y a quatre personnes qui chahutent ou quelqu'un de bavard devant toi, c'est fatiguant."

"Je ne sais pas comment te le dire, mais je suis déjà fatiguée et les contacts me prennent le peu d'énergie qu'il me reste."

"En plus, tu ne vas pas à l'école. Difficile de se faire des amis sans aller dans le plus grand centre de socialisation que tu puisses trouver."

"L'école sert à s'éduquer en langues, mathématiques, histoire, arts et sciences. Pas pour... mais à quel moment tu as le temps de faire connaissance à l'école ?!"

"Pendant les pauses, après la fin des cours, j'imagine. Ou durant les cours..."

Je me tournai vers Rick interrogative. Je ne connaissais que l'éducation à domicile avec des précepteurs privés assez sévères. La discipline était de rigueur.

"Tu as des rêves ?"

Je levai la tête, admirant le ciel bien assombri.

"Depuis que Papa m'a donné le pendentif en argent, je ne fais plus de cauchemars."

La fabuleuse histoire d'Alluneil et la division du mondeWhere stories live. Discover now