Les larmes trempent mes cils résolument clos. Pourtant, un sourire arrive à apparaître lorsqu'une voix masculine remplace celle féminine dans un grondement.

« Freya, qu'est-ce que tu es encore en train d'apprendre à mon fils ? »

Ma prise se raffermit autour de la couette, une larme court sur ma joue sans s'arrêter.

Tout, j'aurais tout donné pour les revoir juste une dernière fois.

Sans le réaliser de mes propres yeux, je sens que tout s'effondre autour de moi et disparaît. Je suis replongé dans un silence absolu, seulement altéré par mes halètements. Et c'est mieux, mille fois mieux que de les entendre alors que je sais pertinemment qu'ils ne sont plus là, qu'ils sont partis il y a longtemps. Par ma faute.

Une détonation explose soudainement et me provoque un violent sursaut, aussitôt tranquillisé par un éclair de douleur à l'endroit où j'ai été blessé. Un gémissement volé, je cherche à tout prix à reprendre ma respiration qui s'est naturellement envolée face aux multiples hurlements que je perçois autour de moi. Ils résonnent sinistrement, tirés du tréfonds de mes traumatismes.

L'urgence de la situation se propage jusqu'à moi, secoué par les horreurs que je ressens, secoué par l'incompréhension et la crainte de mourir, moi aussi. Je ne suis plus Jasper, je ne suis plus le Delta et Apollyon. Je ne suis plus que le petit garçon de Freya et d'Alaric, insouciant et naïf. Un peu con sur les bords. Un véritable fan des Winx.

« Mettez les enfants à l'abri ! »

Une sueur froide s'écoule le long de mon dos déjà trempé de sueur.

« Ils arrivent ! »

Ma bouche sèche s'ouvre à nouveau.

« Les Hayes, ce sont les Hayes ! »

Ma voix perce et accompagne les cris horrifiques. Je chante avec eux ma terreur. Je hurle de toutes mes forces à quel point je suis sincèrement désolé, à quel point je regrette d'avoir provoqué notre fin à tous. À quel point, ils me manquent. À quel point, après eux, quelque chose est mort à l'intérieur de moi.

« Nous, nous n'avons rien fait. C'est toi, Jasper. C'est toi qui as tout déclenché. »

Deux bras m'empoignent vigoureusement par-derrière et me hissent vers le haut. Exactement comme je l'ai fait à l'époque, je me débats comme un fou et tente de résister contre cette poigne bien plus forte que mon corps frêle en cet instant. Mon prénom est crié à de multiples occasions mais je joue à la sourde oreille.

Enseveli dans cette hallucination bien trop réelle, je me perds dans cette montagne de peine et de douleur. Le poids des pierres me fait trébucher pendant que je courais, le soleil déclinant pour une marée rouge de sang. Mais ça, ça, je sais que ce n'est pas vrai. Seuls les corbeaux le sont.

Nous ne pouvons rien contre eux, contre les Hayes. À côté, nous ne faisons pas le poids. Personne ne le peut.

- Jasper !

Une main saisit avec fermeté ma mâchoire et me pousse, indirectement, à ouvrir les yeux. Deux iris clairs me sortent de mon cauchemar et me font taire par la même occasion, la gorge irritée d'avoir tant crié alors même que je suis assoiffé. Je bats plusieurs fois des cils, revenant au moment présent avec difficulté. La tension dans mon corps s'en va si brusquement que j'aurais pu m'effondrer si je n'avais pas été tenu.

Juste à ma droite, Annette se tient là, une mine inquiète en bandoulière. Les bras derrière moi se desserrent, me maintenant jusqu'ici dans une poigne protectrice. Je referme les yeux et prends une profonde inspiration, stabilisant au mieux les battements effrénés de mon palpitant. Tout va bien.

Cœur Obscur [Tome 2]Where stories live. Discover now