La Fin des Livres (Régent des ruines pt. 1) [Achevé]

L'Ailleurs

Il y a longtemps, j'ai écrit des mots.
Ils résonnent et raisonnent en moi maintenant.
Ils parlaient d'un monde tout à fait faux
Que j'aurais créé et fais vivre un certain temps.

Cet ailleurs serait refuge, 
De mes armes la forge,
Le rendez-vous de mes fugues
Quand je sentais se serrer ma gorge.

Cet ailleurs est une prison
Pour les colères et déraisons.
S'y cache ma tendresse, 
S'y affûtent mes talents :
à l'ombre lente du temps pour soi.
Je l'ai écris, créé comme on tisse la soie.

Mais enfermer ses diableries et démons
Dans l'une ou l'autre dimension
Est peur et déraison ;
Tremblement et dysurie.
J'ai peur du présent et crois que ma furie
Me libérera d'une automne saison
En mon monde sans moisson.

Je ne suis qu'un couard seul :
Ma colère est mon sacré sel,
Sert ma trouille par obédience. 
Mais elle m'écarte de la clémence.
J'ai peur d'être adulte et crains qu'on me croie enfant.
J'aimerai qu'on me croie enfin :

Je ne suis pas dans ce monde 
Pour vomir vos paroles,
Pour faire vos devoirs,
Pour tenir vos paris,
Pour garder vos espoirs,
Pour accomplir vos rêves,
Pour demeurer inchangé,
Pour sabrer vos bouteilles vides.

Alors, ne me donnez pas vos espoirs, paris, peurs, pitiés, pleurs ou songes...
Je n'ai pas de cimballes et je ne suis pas un singe.
"Je ne sais où aller"
Je vous le dit simplement.
Nul besoin de m'emmener sur votre voie :
Je m'y perds - rien n'y vois.
Aidez-moi au lieu de le prétendre.
Vous êtes là en cacophonie...
Débranchez vos tête, décrochez vos tels.
Je suis différent ? Prenez-moi comme tel. 
J'ai travaillé aussi, "le talent n'existe pas" a dit Jacques Brel.
Quand j'entends vos non-dits,
L'aphonie de l'ailleurs me manque un peu.