La Fin des Livres (Régent des ruines pt. 1) [Achevé]

Le Régent

Debout dans la cour vide et dispersant les cendres
D'un règne triste et gai où il faisait bouffon,
Le régent sent sa rage choir et redescendre.
Il s'agenouille et se demande ce que font
Les reines qu'il chassa jadis jusqu'aux cieux,
Dont il fut le mari.

Il vivait sous leurs fouets mais devait s'égayer
Torturé, enchanté et sans droit de pleurer.
Il était ignoré et pourtant sous leur joug...
Il voulait effleurer leurs délicates joues,
Trôner à leurs côtés, redevenir peureux...
Goûter un peu la vie.

Soudain le Régent,
Entre ces piliers qui se scindent,
Croit voir un jeune enfant,
Son fils à venir, son futur.
Où est-ce sa vie passée, sortie de son sein ?

Aussitôt là, aussitôt disparue,
Devant lui fond sa progéniture,
Laissant le Régent tout heureux et ému
En pâture à la solitude.
Mais un faux roi seul a besoin d'une femme
Pour apprécier sa Majesté, louer son Altitude.

Jadis, il serait parti à la recherche d'une reine,
Une princesse, une duchesse... Mais un sentiment infâme
Tournoie dans son ventre. Il n'a plus envie
Du tournoi des belles, de cette douce haine
Quand il tournoie pour elles dans la fosse de la vie.

C'est la dernière tête à couronne
Qui chassa toutes les autres.
C'était une servante ; c'était une bonne apôtre.
Elle fuya lâchement le trône, passant pour une pauvre conne,
Laissant l'ancien bouffon dans le dégoût, la rogne.
Debout dans les hauteurs de ses tours,
Semblable à un gourou,
Avec pour seule compagnie le souvenir du courroux,
Il ignore les brebis.

Plus de servante : la couronne est trop lourde.
Plus de fausses duchesses car elles sont bien trop gourdes.
Plus de déjà reines : elles n'ont plus du tout d'amour.
Il ne fait plus la cour
À toutes ces impies.

Resté seul au royaume, le bouffon devînt
Enfin l'Empereur de son fief. Il troqua sa
Guitare pour un sceptre et les clefs du butin.
En fait, il ne voulait de cette place là.
Nul ne pouvait l'occuper pour lui car peu
Tient après l'incendie.

Il n'y a pas d'amour heureux,
Pas de règne sans guillotine.
Et le Régent le sait un peu
Depuis les feuilles de vignes.
Il n'est plus amoureux, il vous salue Marie.