| Chapitre 3 |

Depuis le début
                                    

Plusieurs exclamations se mettent à retentir, frappant soudainement les tables de leurs mains et le sol de leurs pieds. Perplexe, je relève le nez de mon écran et oriente mon attention sur la petite scène à l'autre bout du comptoir où une femme, svelte et grande, y monte sous ses bottes à clous. Les cheveux courts, coupés à la garçonne, elle balaye la salle d'un regard dur et confiant. Sa présence imposée, le silence se déclare. Tous semblent lui porter son entière intérêt, prêt à entendre ce qu'elle a à dire.

Intrigué, je verrouille mon téléphone et pivote mon tabouret vers la métamorphe.

- Il est une heure du matin passée. Plus aucun humain ne rôde parmi nous. Il est donc temps d'arrêter de se trifouiller les couilles et de passer aux choses sérieuses.

Quelques sifflements appréciateurs filent parmi la foule.

- Je vois qu'il y a de nouvelles têtes. Alors laissez-moi nous présenter : nous sommes le clan de la révolte Aleksander. Et je suis Cora, la dirigeante avec Aila, proclame-t-elle d'une voix forte.

D'un signe de main, elle montre une autre femme. Les sourcils froncés, je porte mon regard sur la grande blonde à la queue-de-cheval. Aussi imposante que sa compère, elle se tient droite au milieu des autres métamorphes paresseusement installés à leurs tables. Son apparence, son physique, ne laisse aucun doute sur la fine musculature et l'art du combat que doit cacher cette femme au visage d'ange.

Moi qui voulais juste boire un dernier verre dans cette ville merdique, me voilà en train d'être témoin d'une réunion d'une quelconque révolte. Soupirant, je me détache de la scène pour plonger mon regard dans le liquide ambré de mon whisky.

- Oui, le nom de notre clan n'est pas choisi au hasard. Hélas, on a eu beau retourner le pays il y a quelques années, nous n'avons trouvé aucune trace d'Aleksander.

Aussitôt, les muscles de mon corps se raidissent à ce nom, à sa réelle signification pour nos villageois à fourche. Je l'ai déjà entendu par-ci par-là, un bien beau dérivé de l'original.

Détaché en apparence, je garde néanmoins l'oreille tendue.

- Notre guerrier, notre défenseur. Au premier métamorphe qui a porté ses putains de couilles et a commencé à traquer, chasser et tuer les chasseurs qui nous nuisent et en veulent à nos vies. Ce clan a été créé pour lui, reprend-elle, vorace et sûre d'elle, et lui appartient par conséquent comme la majorité d'entre vous le sait. Mais en attendant son retour, Aila et moi-même le gérons et poursuivons ce qu'il a si bien mis en marche. Et comme vous vous en doutez, nous sommes à la recherche de recrues.

Ma mâchoire se contracte. Tout ceci est d'un ridicule monstrueux. À les voir, comme des moutons à écouter leur bergère, ils courent tous vers une mort certaine. À se croire fort, aussi solide qu'un diamant brut, alors qu'ils ne sont rien que du gibier pour les chasseurs.

Tenir ce genre de discours n'a jamais rien amené de bon. Encore moins en utilisant l'excuse « d'Aleksander », lui rajoutant sur le dos plus de morts qu'il n'en porte déjà.

- Aleksander nous a montré la voix de la liberté. C'est bien plus qu'un symbole de courage, c'est un mantra. On ne peut plus vivre dans la peur de voir un jour nos meutes, nos clans, nos troupes, nos volées être réduit à néant par ces sales fils de pute !

En accord avec elle, la foule frappe sur les tables et acquiesce de vive voix. Un mantra, hein... ? Un symbole de liberté ? C'est bien la première fois que j'entends ça.

Si seulement ils savaient les raisons cachées derrière cet homme.

- Les chasseurs lui ont donné le nom « d'Apollyon », le destructeur. Êtes-vous d'accord avec eux ?! gueule Cora.

Cœur Obscur [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant