1. Bloquée à -1

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Perdue.

C'est comme ça que je me sens depuis quelques jours, mais finalement je me demande si ça n'a pas simplement toujours été ainsi.
Parfois les choses ne vont pas, et on oublie qu'elles allaient il fut un temps lointain, occulté dans les abysses de notre mémoire parasitée par songes souvent bien trop sombres.
Mais tout ça, ce n'est pas le sujet.
Le sujet c'est aujourd'hui, et aujourd'hui j'ai pu quitter les cours plutôt dû à l'absence d'un professeur. Pas que je n'aime pas cet enseignant mais sa maladie m'arrangeait bien, à 14h il y a légèrement moins de monde sur ma ligne de métro parisien.
Paris est une ville comme les autres, je pense que les touristes la mystifie un peu. Toutefois je dois avouer que dire que je vis à côté des Champs-Élysées c'est toujours un peu la classe.

Il n'empêche que même si ma vie d'étudiante semble plus ou moins parfaite, du haut de mes 19 ans je peux dire que j'en ai vu de toutes les couleurs, et ce n'est pas prêt de s'arrêter, le mois prochain il y a Noël. Cette fête familiale est loin de me réjouir sachant que la famille ça n'a jamais été la joie. Je ne connais pas mon père, ma mère est reporter, elle gagne beaucoup mais je ne la vois presque jamais, c'est les voisins de l'immeuble qui s'occupaient de moi quand j'étais plus jeune. J'ai eu un petit frère aussi, dont je ne connais pas le père. J'aurais aimé qu'il grandisse avec moi mais en Juin, un mois après sa naissance, il est partit à cause d'un mal qu'on appelle la mort subite du nourrisson. Depuis je demande qu'on m'appelle June.

Mon vrai nom c'est Alice, Alice Brault comme l'indique le nom sur la porte que je viens d'ouvrir. En entrant j'enlève négligemment mes chaussures et vais me servir un verre d'eau. J'ai bien du travail à faire mais je n'ai pas franchement la motivation, mes jeux vidéos m'inspirent beaucoup plus sur le moment, de toute façon je n'ai pas de mère pour me dire de réviser et puis le bac c'est dans plusieurs mois, j'ai le temps.

Je ne réalise pas le temps qui passe quand je joue et il fallu que je fasse Game Over une quinzième fois pour poser ma manette avec agacement et réaliser qu'il était bientôt 20h. J'enfile un pull, des baskets, attrape un briquet et une cigarette et sors en laissant la porte déverrouillée, c'est mon immeuble, ça ne craint rien.

En bas je réalise qu'il fait bien sombre, quelques amis et touristes déambulent sur la chaussée, éclairée par les lampadaires et le bruit monotone de la circulation finit par me ramener à mes songes. Je m'assois sur un banc en bout de trottoir, ce n'est pas celui que je prends d'habitude mais l'autre est occupé. Puis je place ma cigarette entre mes doigts et met ma capuche sur ma tête avant d'allumer mon briquet. Cette sensation de me perdre refait surface quand j'observe un nuage de fumée s'envoler, ça paraît ingrat mais je n'aime pas tellement ma vie actuelle, sans pour autant savoir quoi changer.

Quelques minutes plus tard il ne restait du tabac que des cendres, le mégot finit à la poubelle et mon feu, dans ma poche. Je m'affale alors sur le banc en laissant ma tête tomber en arrière pour apercevoir le ciel entre les branchages parsemés de feuilles mortes.

Je ferme les yeux et songe que j'aimerais être ailleurs, loin de toute cette pression, ce stresse et cette lassitude, dans une réalité autre que cette vie putride et amer à laquelle je me raccroche sans vraiment trop y croire. J'imagine un endroit meilleur, me perdant dans mes envies d'évasions qui considèrent déjà que je n'appartiens plus à ce monde. Soudain je sens que mon pied glisse, puis l'autre, comme s'il n'y avait plus de sol, puis mon corps entier tombe sans que je le réalise.

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What is reality ?

L'abus de tabac est dangereux pour la santé.

The End [Backrooms]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant