Une petite froide

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— Putain!

La voix de Blix résonna avec un écho curieux, si bien que je croyais rêver encore. Je n'étais pourtant pas endormi. Les vampires se réveillent frais comme des roses; bon point pour eux. Mes paupières se décollèrent sans peine. Je me suis relevé à toute vitesse, sans étourdissement. D'instinct, je savais que la nuit était tombée.

— Blix? Ils t'ont relâché?

— Promesse de comparaître. Quelle merde! Ils ont trouvé ma cache secrète!

Blix tenait un bout de planche dans ses mains, celle qui couvrait sa petite réserve personnelle.

— J'avais un petit magot là-dedans! Heureusement, ils n'ont pas pris la came.

C'est pour ça que j'aimais Blix: c'était tout à fait le genre à ne pas se demander pourquoi les flics étaient partis avec le fric sans toucher à la drogue. Ou à ne pas remarquer le mouvement involontaire que j'avais eu pour toucher ma poche arrière. Il se tourna vers moi, un petit sachet de poudre balançant entre ses doigts.

— Tu en veux?

— Non, merci.

Mais s'il te reste une bière...

Je repensai à ma journée, puis à la nuit qui l'avait précédée, et à toute les nuits de merdes qui allaient défiler désormais.

— Il te reste de la bière?

— Si les flics ne l'ont pas sifflée aussi.

Je regrettais déjà mes paroles, quand Blix me sortit une bière et la déposa dans ma main. Elle me faisait de l'œil, l'allumeuse, aussi vrai que je m'appelle Max. Je la posai sur la table. C'était un de ces moments AA, une de ces tentations à vaincre une à la fois. Je fermai les yeux.

Mon Dieu, donne-moi la force de...

Non, quelque chose clochait.

— Tu te sens bien? demanda  Blix, traçant de petits lignes blanches sur un miroir.

La question était pertinente: j'émettais de la fumée, comme un rôti carbonisé. Je regardais mes mains fumer. Juste parce que j'avais commencé une prière de merde. Je regardais le plafond d'un air mauvais. Hé! L'Être suprême! Tu ne pourrais pas me lâcher deux minutes?

Si même lui me laissait tomber, il me faudrait un autre mantra que celui des AA. J'empoignai la bière et la décapsulai. Quand l'or liquide toucha mes papilles, je fus envahi par la félicité. Non, avant ça même: juste l'odeur, c'était déjà le bonheur. Que dis-je? Le bruit, le simple bruit du gaz qui s'échappait, c'était mieux qu'une femme.

Alors j'ai vomi.

Presque rien, rassurez-vous. Juste de la bière toute neuve, et un peu de poussière. Pas de bile. Peut-être une goutte de sang. Je regardai la bouteille bien en face; au lieu de mon reflet déformé, je vis celui de l'appartement. Et ça me ramena à ma nouvelle condition. Pas d'aide d'en haut, mais pas plus de possibilités de me saouler.

Je serrai la bouteille si fort qu'elle éclata.

Le jour, où plutôt la nuit, où je suis devenu un vampireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant