Chapitre 6

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Dans un sursaut, Hana se redressa en sueur et à bout de souffle. Des petites gouttelettes d'eau perlaient sur ses tempes et son cœur affolé tapait dans sa poitrine. Il y avait longtemps qu'elle n'avait pas fait de cauchemar et elle se doutait bien de la raison de celui de cette nuit. Sa mère et sa sœur était seule à la maison, tandis qu'elle était là, à des centaines de kilomètres d'elles. Elle écarta la chaude couverture de ses jambes, puis quitta la chambre sur la pointe des pieds. Ses camarades dormaient à poings fermés et elle ne tenait pas à les réveiller à deux heures du matin. Elle longea les couloirs jusqu'à atteindre l'arrière du bâtiment pour profiter de la petite cour privative. Elle voulait de l'air frais et en endroit ou elle pourrait être seule mais malheureusement, la place semblait déjà prise. De dos, elle reconnue une silhouette familière. Une carrure musclée et des cheveux blonds en bataille. Miya Atsumu était assis sur la première marche derrière la bais vitrée ouverte. Il avait le regard posé sur la pleine lune, brillant de mille feux et semblait paisible. Elle resta un instant à l'observer sans savoir quoi faire. Elle l'avait rarement vu aussi calme, c'en était presque effrayant. Elle réprima un frisson puis se décida à avancer.

- Tu ne dors pas ?

Le jeune homme sursauta en se retournant pour poser ses yeux sur elle, visiblement surpris de la voir ici. Il la détailla de haut en bas dans un silence gênant.

- J'arrive pas à dormir, les gars ronflent comme des ours la haut. Impossible de fermer l'œil. Et toi alors ? Tu fais quoi ici ?

- Un cauchemar m'a réveillé, j'avais besoin d'air.

La jeune fille s'installa sur la marche aux côtés de son ainé pour enrouler ses genoux de ses deux bras. Elle pencha la tête sur la droite pour l'observer et le vit hausser les sourcils.

- Suzuki Hana fait des cauchemars ?

- Ca veut dire quoi ça ?

- T'as pas l'air d'avoir peur de grand-chose, alors je me demande bien ce qui peut bien te fait flipper jusqu'à dans tes rêves.

- Ta tête.

Il posa une main sur son cœur pour tenter d'imiter le choc d'une balle dans sa poitrine et son geste la fit doucement sourire. Il était rare de converser avec lui sans finir par se chamailler, c'était un provocateur, et généralement il finissait toujours par provoquer des conflits. Sans grande gravité, peut-être, mais des conflits quand même. Le vent frais fit apparaitre sur ses avants bras dénudés des petits points désagréables, bien visible.

- Quelle idée de sortir dehors en t-shirt au mois de novembre.

- J'avoue que prendre un pull était la dernière de mes préoccupations quand je suis sortie de la chambre.

- Tête en l'air.

- File moi ton sweat.

- Si je fais ça, c'est moi qui vais avoir froid.

- Fais pas ta chochotte et agis comme un homme, je me les pèle.

- C'est pas mon problème.

Hana baragouina une plainte incompréhensible en posant son menton sur ses deux bras. Imaginer Atsumu tendre avec une fille avait été une erreur. Jun lui aurait prêter son pull lui... Elle l'entendit bouger et le vit se lever du coin de l'œil. Elle pensa un instant qu'il irait se coucher avant de sentir deux bras se poser sur ses épaules et voir deux jambes s'allonger de part et d'autre de ses hanches. Elle se sentit tirer vers l'arrière pour percuter doucement un torse chaud et confortable. Des rougeurs lui montèrent immédiatement aux joues quand elle se rendit compte de la position. Il venait de s'assoir derrière elle et de la coincer entre ses jambes écartées.

- Tu devrais avoir moins froid comme ça.

Il avait murmuré au creux de son oreille, lui arrachant un nouveau frisson sauf que cette fois, ce n'était pas le froid qui l'avait provoqué. Son visage la brulait et elle pria intérieurement pour qu'il ne remarque rien. Elle ne voulait certainement pas flatter son ego. Ils restèrent un moment silencieux, ne sachant quoi dire puis elle sentit ses bras se resserrer davantage sur elle.

- C'était quoi ton cauchemar ?

Elle hésita un instant à révéler une partie de sa vie privée à une personne qu'elle avait pendant plusieurs semaines considérées comme antipathique et désagréable mais se laissa finalement tenter. Elle ne ressentait aucune méchanceté en lui. Peut-être pouvait-elle déformer un peu l'histoire pour au moins soulager sa conscience.

- J'étais cachée, et finalement je me faisais quand même attraper par une mauvaise personne.

- Toi tu as peur de te faire attraper par quelqu'un ? A la place de la mauvaise personne, c'est plutôt moi qui aurais peur de me faire attraper par toi.

Elle pouffa doucement en imaginant totalement sa tête derrière son dos. Certainement une grimace digne de ce nom.

- Je ne pouvais rien faire parce que je n'étais qu'une enfant. Et j'étais terrorisée.

Elle le sentit souffler dans son cou puis poser son menton sur le haut de son crâne. Elle aurait pu protester de ce geste qu'elle considérait comme intime mais n'en fit rien. Il la tenait déjà dans ses bras de toute façon alors si elle avait dû le rejeter, elle aurait dû le faire bien avant.

- A quoi elle ressemble cette mauvaise personne ?

- Un mètre quatre-vingt, une soixantaine de kilos, les cheveux bruns, des yeux bleus profonds, des traits tirés et un visage sévère. Une quarantaine d'années, et une force de titan pour une petite fille d'à peine quatre ans.

- C'est précis. C'est donc pour ça que tu as commencés le karaté.

Hana plissa les yeux. Il avait deviné. Malgré son air enfantin et les bêtises qu'il faisait à longueur de journées, il réfléchissait. Il se cachait derrière une personnalité enjouée et sarcastique mais il était peut-être plus malin qu'elle ne le pensait.

- Ma mère pleurait tous les soirs. Avec ma sœur nous pouvions tout entendre mais nous étions impuissantes. Je devais devenir forte.

- Et tu l'es devenue.

- Assez pour lui faire peur. Il a disparu du jour au lendemain sans donner de nouvelles. Ça fait trois ans.

- Tu as peur qu'il revienne ?

- Oui.

Elle marqua une pause pour inspirer profondément l'air pure de la campagne. Elle avait passé en revue de nombreux scénarios dans sa tête mais aucun ne se terminait bien et à chaque fois qu'elle y pensait, elle cauchemardait.

- Je dois protéger ma famille.

- Et toi, qui te protèges ?

- Je me protège moi-même. Je suis forte.

- Tu auras forcement une période de faiblesse dans ta vie et à ce moment là tu auras besoin d'un soutien.

Il avait raison, elle le savait mais espérait au fond d'elle ne plus jamais se retrouver dans la position du dominé. Elle ne voulait plus avoir peur, elle ne voulait plus trembler en entendant la sonnette de la maison resonner à travers les couloirs. Elle ne voulait plus imaginer le visage de son père dans l'encadrement de la porte d'entrée. Elle ne voulait plus avoir à s'inquiéter. 

Monstre Marin [Atsumu x OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant