♦ Chapitre 2 ♦ L'Arrivée

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La voiture s'engagea dans une allée de gravillons, qui serpentait dans un immense jardin illuminé de quelques petites lampes. Celles-ci me faisaient vaguement penser à des lucioles, vu de loin.

Une nappe de brouillard s'était levée au dehors. À travers les fenêtres de la limousine, j'avais beau plisser les yeux, on n'y voyait pas à 10 mètres. Cela ne me rassurait pas du tout; j'avais l'impression de voir des bestioles aux yeux rouges - semblables à la créature de la forêt - partout. J'ai asséné une petite pichenette à mon front pour cesser mes illusions.

J'ai rapidement rangé mon livre dans mon sac à dos de voyage. J'ai vérifié en passant la main dans l'une des poches de mon sac que l'enveloppe bleue était toujours là. J'ai senti le papier lisse se froisser un peu sous mon touché.

Sophie, quant à elle, s'est contentée de poser sa valise sur ses genoux.

Le chauffeur s'est enfin garé devant le manoir de mon oncle. Il est descendu et est venu m'ouvrir la portière.

Je suis à mon tour descendue, en chancelant -  j'étais encore troublée par ma vision dans la forêt -, et j'ai levé les yeux.

Le manoir était énorme. Il s'étendait sur deux étages.

" Visiblement, mon oncle à encore plus de moyens que mes parents "

Deux grosses lampes étaient plantées de chaque côtés d'une grande et vieille porte en bois pourpre - un rouge violacé profond -, à double battants. Des volets de même couleur étaient rabattus sur la vingtaine de fenêtres qui décorait la façade du bâtiment.

Sophie s'est extraite du véhicule avec sa valise et est venue me rejoindre dehors. Elle a frissonné en apercevant la bâtisse qui se tenait devant nous, alors que je restais bouche bée.

 Nous étions d'accord sur un point : c'était effrayant.

- Ce manoir me fait froid dans le dos, a-t-elle soufflé à mon oreille.

J'ai acquiescé et j'ai jeté mon sac à dos sur mon épaule. Le chauffeur est venu déposer ma valise devant moi, et j'ai lâché à son égard un petit " Merci " un peu étouffé. Il m'a sourit et nous a indiqué la porte du doigt, en précisant que nous étions attendues. Je remarquais seulement à cet instant la petite moustache en spirale grisonnante surplombant son sourire.

- Mais, ne travaillez-vous pas pour mon oncle Oscar ? ai-je demandé, en le voyant grimper à nouveau dans sa limousine.

- Si, c'est bien le cas, a t-il affirmé. Mais je dois d'abord aller stationner la voiture de Monsieur dans le garage avant de rentrer.

Il nous désigna le chemin gravillonné qui se séparait en deux routes avant le manoir. L'une menait au bâtiment, l'autre s'enfonçait dans le jardin, vers ce qu'il appelait " le garage ", que nous ne pouvions pas distinguer au loin.

J'ai hoché la tête, et j'ai regardé la limousine s'éloigner en faisant crisser ses pneus dans son sillage,  se dirigeant vers le chemin indiqué par le chauffeur. La voiture finit par disparaître de mon champ de vision, et je me suis tournée vers la porte du manoir.

- Bon, voyons à quoi ressemble ce cher oncle Oscarveld.

J'ai gravi lentement les quelques marches en pierre qui me séparaient de l'entrée, en portant ma valise à deux mains, suivis de près par Sophie.

J'ai cherché des yeux une sonnette, mais bien évidemment, il fallait sans douter : il n'y en avait pas. A la place, j'ai remarqué un heurtoir un peu rouillé sur le battant droit de la porte. Je l'ai attrapé, non sans une petite hésitation, avant de l'abattre contre la porte dans un bruit sourd.

Le son résonna contre le bois, et sembla se répercuter dans le silence tout autour de nous. J'ai subitement tourné la tête de tous les côtés, comme si je craignais quelque-chose. 

" Ma parole, cet endroit me fiche vraiment la frousse ! "

Nous avons attendu quelques minutes en silence. Ces quelques minutes me parurent une éternité. Une brise légère s'est levée, et j'ai serré un peu plus fort mon manteau sur ma poitrine.

J'ai commencé à me sentir mal à l'aise.

Je repensais encore à la créature que j'avais vu, et je ne pus m'empêcher de pivoter vers le lointain obscur à ma gauche, là où devait se trouver la forêt.

J'ai détourné rapidement la tête et mon corps s'est mit à vibrer, aussi bien de froid que de peur. Dans mon dos, Sophie n'avait pas l'air très rassurée non plus. J'avais de plus en plus envie que l'on nous fasse entrer, que je sois enfin à l'abri.

Ou du moins, plus à l'abri que devant la porte - peu importe ce qui pouvait nous attendre à l'intérieur.

Voyant que personne ne venait ouvrir et que le chauffeur ne revenait toujours pas, j'ai levé le bras vers le heurtoir pour renouveler mon action, me préparant à de nouvelles minutes d'angoisse.

Mais avant que je n'ai pu de nouveau frapper, des pas traînants se firent entendre derrière la porte. Puis, celle-ci s'ouvrit lentement. Nous avons sursauté, Sophie et moi, en l'entendant grincer.

Nous sommes tombées nez à nez avec une vieille femme, une bougie à la main. Elle était un peu bossue, et l'ombre de la bougie me permis de distinguer une partie de ses traits. Elle avait des yeux bleus incroyablement clairs, et des cheveux gris attachés en queue de cheval simple. De nombreuses rides encadraient son visage.

Elle devait avoir la soixantaine, peut-être plus. Elle portait une cape noire entrouverte sur le devant, ce qui permettait d'entrevoir des habits de servante en dessous.

- C'est vous ! On ne vous attendez pas si tard, nous a t-elle dit d'une voix douce.

Puis, avec un sourire, elle s'est décalée pour nous laisser entrer. Elle a refermé la porte dernière nous avec autant de peine qu'elle avait eu pour l'ouvrir, et nous nous sommes retrouvées dans le noir presque complet, simplement éclairaient par la petite bougie que la vieille femme tenait encore dans sa main. La demeure nous demeurait invisible, mais je sentais la présence écrasante des lieux.



La forêt des vampiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant