Chapitre 29 • The End

Depuis le début
                                    

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4 heures du matin. Je tire la chasse d'eau pour la troisième fois. Un échec de plus au compteur... Je n'ai pas réussi à maîtriser mes compulsions malgré l'espoir naissant de tout à l'heure. Plus d'une décennie que cette merde me pourrit la vie et je crois encore être capable de reprendre le contrôle ?

Sur le sol des toilettes, je m'empare de mon calendrier et inscris une croix sur la date d'aujourd'hui. C'est une des solutions proposées par monsieur Miller qui pourrait, selon lui, me servir d'électrochoc. Noter mes crises pour que nous prenions conscience de leur répétition et du danger que j'encours.

Parce que, oui, la boulimie tue.

On l'évoque moins que dans les cas d'anorexie, et pourtant... Si les purges se réitèrent trop souvent, elles peuvent causer un arrêt cardiaque. Sans compter sur ce que subit notre corps : détérioration de l'émail dentaire, les doigts calleux, des lésions au niveau de l'œsophage et j'en passe... Mon psychologue est le seul à se soucier de ma survie. Crever de cette maladie me semble être la meilleure des fins. Voire le remède ultime. Elle aura gagné ce combat après tous les moyens qu'elle s'est donnés pour m'anéantir.

Je regarde, avec la plus grande des attentions, les annotations tracées au marqueur. Les rituels se rapprochent, à raison de deux à trois accès par jour. C'est comme si mon esprit cherchait à les occulter pour ne pas avoir à faire face à la gravité de mes actes. Alors que je les vis, je les ressens au plus profond de mon être. Ils me détruisent de part en part. Je me rappelle de chaque épisode, mais je préfère les ranger dans ma boîte à souvenirs en omettant les dates synonymes de perte de soi.

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    — Hayden ?

La voix d'Harleen me tire de mon sommeil, mais mes quinquets demeurent scellés. Je me remercie intérieurement d'avoir nettoyé l'appartement de fond en comble après ma crise. Elle n'assistera pas à mon désordre psychique.

    — Salut.

Elle s'installe à mes côtés et je lève mes prunelles vers elle. Ses doigts caressent mon front pour rabattre l'un de mes épis. Ce toucher a pour conséquence de me détendre au point que mes paupières se referment d'elles-mêmes.

Je lutte pour ne pas retourner dans mon refuge. Celui où mes songes deviennent réalité et où les cauchemars s'assimilent à des chimères tant la vie me paraît horrifiante. C'est dingue de constater que les mauvais rêves n'ont même plus la capacité de nous effrayer dans la mesure où notre expérience essentielle se révèle bien plus traumatisante que n'importe quelle illusion mentale.

    — Tu as l'air épuisé.

Je rouvre les yeux qui saluent les siens d'un bonjour discret, mais authentique.

    — C'est le cas.

    — Parce que j'ai pris ta chambre ? Tu aurais dû dormir avec moi !

Harleen me fait l'effet d'une fillette qui vient d'avoir une illumination avec son sourire qui pourrait ressusciter un cimetière tout entier, ses pattes d'oie qui prouvent combien la félicité l'habite et ses joues colorées d'un rouge vermillon.

    — J'y ai pensé, mais ce n'était pas une bonne idée.

Son ton espiègle m'annonce l'arrivée imminente d'une boutade dont elle seule a le secret.

    — Rabat-joie ! Tu vois, je ne suis pas d'accord avec toi. On aurait pu...

Elle s'abaisse vers moi. Ses longs cheveux frôlent mon buste tandis que son parfum embaume mon odorat. Son souffle chaud effleure le creux de mon oreille, me provoquant d'agréables frissons. Puis, de son timbre le plus séducteur, elle me murmure :

Shades of Blue - Face AOù les histoires vivent. Découvrez maintenant